UE-Mercosur : Encore plus de productivisme

Cet accord de libre-échange favoriserait les cultures OGM et la déforestation.

Geneviève Azam  • 13 décembre 2017 abonné·es
UE-Mercosur : Encore plus de productivisme
© photo : JUAN MABROMATA / AFP

Le libre-échange a besoin de grands-messes. La 11e conférence ministérielle de l’OMC à Buenos Aires a été plombée avant son ouverture. Les subventions agricoles, et plus généralement les négociations sur l’agriculture, qui bloquent le processus depuis le début des années 2000, ont fait irruption. C’est moins « fun » que la discussion sur une « économie globale digitale », forcément « inclusive », fondée sur la libéralisation du commerce électronique. Cruauté du monde réel !

Un réel bien répétitif : les États-Unis et l’Union européenne ne veulent pas renoncer à leur politique de dumping en matière agricole et n’entendent pas supprimer les subventions agricoles internes. L’UE se targue d’avoir supprimé les aides directes ciblées sur des produits (elle les a « découplées »), mais les subventions annuelles sont de l’ordre de 40 milliards d’euros et permettent des exportations à des prix inférieurs aux coûts de production. Ces aides assurent le maintien d’une agriculture productiviste pourtant périmée.

Face à ces impasses connues d’avance, l’Argentine, pays hôte en quête de légitimité, a fait de ce sommet une nouvelle rampe de lancement pour l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay). Les négociations, entamées il y a dix-huit ans, sont relancées au pas de charge depuis quelques mois dans la clandestinité. Le texte en discussion a été publié le 7 décembre par Greenpeace Hollande.

L’accélération tient au contexte politique. La politique commerciale de Donald Trump, avec notamment la mise en cause de l’Alena (accord États-Unis-Canada-Mexique), ouvre un espace, d’autant que les coalitions de droite radicale en Argentine et au Brésil entendent bien promouvoir rapidement cet accord pour accélérer la dérégulation sociale et politique, et la fuite dans un modèle ultraproductiviste. Le calendrier est serré avant les élections d’octobre 2018 au Brésil.

Cet accord, concernant 800 millions de consommateurs, porte essentiellement sur l’augmentation des exportations de viande, de biodiesel et de soja, côté Mercosur, et sur les exportations de voitures, d’énergie et de services financiers ainsi que sur l’ouverture des marchés publics, côté UE. Après maints refus, l’Union européenne est désormais prête à augmenter substantiellement les quotas de viande importée en échange de l’ouverture des marchés.

Cet accord, s’il aboutissait, favoriserait encore les grands élevages au Brésil et en Argentine, la culture intensive du soja (transgénique) et les agrocarburants, avec pour conséquences la déforestation accélérée, l’accaparement des terres, les violences et les assassinats de leaders indigènes défendant leurs terres. En Argentine, la confrontation des Mapuches à l’État et à Benetton, propriétaire de plus d’un million d’hectares de terres en Patagonie argentine, en est l’illustration parfaite.

Encore une fois, la lutte contre le réchauffement climatique et pour la souveraineté agricole et alimentaire ne doit pas contrevenir aux règles de la libéralisation du commerce.

Geneviève Azam Membre du conseil scientifique d’Attac.

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