Mutuelles : La fin d’un modèle ?
Face à une guerre des prix de plus en plus féroce, les mutuelles rognent progressivement sur leurs principes originels.
dans l’hebdo N° 1487 Acheter ce numéro
Une page se tourne dans le monde mutualiste. Partout, par retouches successives ou accords globaux d’entreprise, l’heure est à la renégociation des conditions de travail et de rémunération des salariés. Il s’agit notamment « d’harmoniser » les modèles sociaux à la suite de fusions successives entre mutuelles. Des fusions qui concentrent progressivement le secteur dans une poignée de grands groupes.
Une stratégie déployée pour faire face à une guerre de plus en plus féroce entre les mutuelles et les banques-assurances. Plusieurs réformes ont en effet bouleversé l’équilibre, comme l’interdiction des clauses désignant un seul organisme assureur dans les branches professionnelles, prononcée en 2013 par le Conseil constitutionnel.
Les mutuelles restent, en théorie, régies par leurs sociétaires, selon une logique non lucrative. Elles n’ont pas d’actionnaires à rétribuer. Mais leur offre ressemble de plus en plus à celle des assurances privées avec, par exemple, des contrats différents établis en fonction de l’âge de l’assuré, à rebours du principe de mutualisation des risques. « Les attaques des opérateurs capitalistes [en capacité de casser les prix, NDLR] obligent les mutualistes à réagir, sous peine de perdre tous les “bons risques” [comme les jeunes, en meilleure santé, donc plus “rentables”, NDLR] et de ne garder que les “mauvais risques”. Ce mouvement devrait perdurer à l’avenir vers une tarification presque individuelle », estime Cyrille Chartier-Kastler, spécialiste de l’assurance.
Les mutuelles doivent également composer avec les exigences européennes en matière de fonds propres – l’argent disponible dans leurs caisses –, durcies après la crise financière de 2008. « Ces normes ne sont pas adaptées au monde mutualiste, car on nous impose de conserver des marges financières, alors que le principe du mutualisme était de les redistribuer par des tarifs avantageux », regrette Jacques Château, ancien syndicaliste FO, retraité de la Macif.
Malgré cette nouvelle donne, le capital sympathie dont bénéficient les mutuelles leur permet, pour l’heure, de maintenir des bénéfices confortables.