Violences policières : Crimes sans châtiments
Classements sans suite, non-lieux acquittements – au pire, du sursis… L’impunité judiciaire a force de loi.
dans l’hebdo N° 1485 Acheter ce numéro
Z yed et Bouna, on n’oublie pas, on ne pardonne pas. » Dix ans que ces cris résonnent par-delà la ville de Clichy-sous-Bois, mais c’est à Rennes que le procès s’est tenu, le 18 mai 2015. Énième épisode judiciaire de la tragédie du 27 octobre 2005 qui avait provoqué des émeutes sans précédent dans nombre de banlieues françaises. Face à la décision du juge, on ne retient qu’une chose : l’impunité judiciaire dont jouissent les forces de l’ordre.
À lire aussi >> Depuis 2000, les trop nombreuses victimes des violences policières
Ce sentiment d’injustice, les familles de victimes de violences policières le connaissent bien. En 2009, Amnesty International pointait dans un rapport « l’impunité » dont bénéficient les forces de l’ordre accusées de violations des droits de l’homme. « Sur 663 plaintes examinées par l’organe d’inspection de la police en 2005, seules 16 ont conduit à la radiation des agents concernés », note le rapport. Mais, en France, les statistiques officielles sur les violences policières et les morts par balles à la suite d’une intervention policière n’existent pas. C’est donc grâce à des sources non officielles, comme les sites d’information StreetPress ou Bastamag, ou encore les associations et collectifs tels qu’Urgence notre police assassine, qu’on peut prendre connaissance des chiffres. Amnesty se fonde sur les données de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN). « De très nombreuses plaintes déposées contre des agents des forces de l’ordre sont classées sans suite par le parquet avant même d’arriver au tribunal », ajoute le rapport de l’ONG.
Le non-lieu semble une pratique courante. C’est ainsi que s’est terminée l’affaire judiciaire de la mort de Lamine Dieng, le 17 juin 2007 à Paris, consécutive à une immobilisation réalisée « d’une manière peu académique », note le rapport de la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS). La même méthode que celle qu’auraient utilisée les gendarmes avec Adama Traoré.
Le site StreetPress recense, depuis 2000, 47 décès liés aux interventions des forces de l’ordre, et aucun policier impliqué n’est allé en prison. Un tiers de ces affaires a abouti à un classement sans suite, un non-lieu ou un acquittement. Ce fut le cas après la mort de Joseph Guerdner, abattu en mai 2008 d’une balle dans le dos alors qu’il tentait de s’enfuir d’une garde à vue à Draguignan. Trois ans plus tard, la France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme pour cet acquittement. Et, lorsqu’une condamnation est prononcée, il s’agit généralement d’une peine avec sursis. En 1990, déjà, les deux policiers accusés de la mort de Malik Oussekine avaient écopé respectivement de cinq et deux ans de prison avec sursis.
À lire aussi dans ce dossier :
• Champigny : la haine de l’uniforme
• Des bavures qui n’ont rien d’accidentel