Grève reconductible à la Cour nationale du droit d’asile
Les agents de la CNDA se sont prononcés à une large majorité pour une grève reconductible à compter de ce mardi 13 février. En jeu, les conditions de travail et la défense d’une justice de qualité.
Commençons par des chiffres : 47 814 décisions rendues en 2017 dans un délai moyen de cinq mois et six jours. Tel est le rythme de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), juridiction administrative la plus importante de France. Une cour qui compte 434 agents permanents et dont l’ensemble des syndicats (SPICE, CGT et FO) ont décidé une grève reconductible à partir de ce mardi 13 février.
C’est la juridiction la plus rapide de France. Mais, dénoncent les syndicats, elle est enfermée dans une logique comptable de l’asile qui fait primer le raccourcissement des délais de jugement sur la qualité de l’instruction des demandes et des décisions rendues.
Exemple frappant, relèvent les syndicats, « la proportion de dossiers traités par ordonnances, c’est-à-dire rejetés sans audience, a quasiment doublé en trois ans, passant de 17 % en 2014 à près de 30 % en 2017. Parmi ces dossiers, une proportion importante aurait nécessité d’être appelée en audience. Nombre de demandes d’asile jouent dès lors le rôle de variable d’ajustement, permettant d’atteindre les objectifs chiffrés de la cour ».
Et de pointer, face à l’objectif de produire un maximum de décisions dans des délais toujours plus courts, les difficultés quotidiennes des agents : « Statuts précaires et flous des rapporteurs et des secrétaires d’audience, cadence de travail de plus en plus soutenue, audiences surchargées, manque d’effectifs dans certains services, faible reconnaissance du travail accompli, prise en charge insuffisante des agents exposés aux risques psycho-sociaux inhérents à la nature du contentieux… »
Après que les syndicats ont été reçus par le Conseil d’État, dans le cadre d’une réunion de négociation qui n’a abouti à aucune avancée, cette grève intervient au moment où un projet de loi doit être présenté en Conseil des ministres le 21 février prochain. Un projet qui, selon les syndicats, « poursuit cette logique productiviste aux dépens de la mise en œuvre d’une justice de qualité et porte durement atteinte », aux droits des demandeurs d’asile, comme aux conditions de travail des agents.
« La réduction des délais de procédures à tous niveaux, poursuivent les syndicats dans un communiqué commun, l’élargissement du recours aux vidéo-audiences sans le consentement des demandeurs, la levée du caractère suspensif de certains recours devant la cour et la création d’une nouvelle procédure de suspension de l’exécution des obligations de quitter le territoire français devant le juge administratif, constituent les illustrations les plus saisissantes d’un projet qui nie la dimension humaine inhérente au contentieux de l’asile, crée à l’encontre des demandeurs une rupture d’égalité avec les autres étrangers, nuit à la qualité de jugement et induit une dégradation des conditions de travail des agents de la cour. »
De fait, les syndicats appellent à ce que tous les moyens juridiques, humains et financiers soient mis en œuvre, de manière à garantir un service public de qualité pour les demandeurs d’asile, notamment à travers, « l’intégration du rapporteur à l’instruction – véritable “expert” du dossier – au sein de la formation de jugement, l’évolution du poste de secrétaire d’audience vers des fonctions de greffier à moyen terme, la déprécarisation des agents contractuels, la diminution de la charge de travail et la mise en place d’un plan de formation continue adapté à l’évolution constante du contentieux ».
Et cela fait maintenant plus de trois ans que les quelque quatre cents agents alertent la direction de la cour sur ces questions.
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