Les villes à l’assaut du lobby pétrolier

Les villes deviennent des acteurs majeurs face aux États et aux multinationales.

Jérôme Gleizes  • 7 février 2018 abonnés
Les villes à l’assaut du lobby pétrolier
© photo : TIMOTHY A. CLARY / AFP

Le 10 janvier, la ville de New York a décidé d’assigner en justice cinq géants pétroliers (BP, Chevron, ConocoPhillips, ExxonMobil et Shell) pour leur responsabilité dans le changement climatique. Par ailleurs, la ville se désengage pour cinq milliards de dollars de ses fonds de pension dans les énergies fossiles. Pour le maire, Bill de Blasio, les compagnies pétrolières « ont sciemment trompé le public pour protéger leurs bénéfices ». Depuis l’ouragan Sandy d’octobre 2012, qui a fait plus de 40 morts dans l’État de New York et coûté 42 milliards de dollars, la lutte contre le changement climatique est devenue une priorité politique et sociétale. L’annonce par Donald Trump de sa volonté de se retirer de l’accord de Paris n’a fait que renforcer les acteurs déjà engagés dans la lutte contre le dérèglement du climat. Nous avions connu la même situation lors du refus de Bush de ratifier l’accord de Kyoto : les villes américaines s’étaient substituées au gouvernement pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Aujourd’hui, nouvelle stratégie. Après avoir pris en charge les investissements nécessaires à la place des États, les villes s’attaquent désormais aux finances du lobby pétrolier.

Erratum Dans la chronique de Jean-Marie Harribey publiée dans le n° 1488, il fallait lire « celui-ci [le concept de plus-value] ne prétend pas expliquer autre chose que l’exploitation capitaliste » au lieu de : « ne défend pas autre chose que l’exploitation capitaliste ».
Ce changement de stratégie est la prise en compte du sujet environnemental d’un point de vue financier. Les sociétés d’assurances ont joué un rôle important dans cette reconnaissance du coût environnemental pour les villes, mais, aujourd’hui, deux capitalismes s’affrontent, celui des hydrocarbures et celui des énergies renouvelables. Dix ans après Une vérité qui dérange, le docu-pamphlet qui avait contribué à la prise de conscience planétaire du réchauffement climatique, Une suite qui dérange, un nouveau film, encore soutenu par Al Gore, ex-vice-président des États-Unis, illustre cet antagonisme au sein du capitalisme. Notamment entre les multinationales du charbon et celles de l’énergie solaire. La phase du déni de la responsabilité anthropique est passée. Désormais, il y a une véritable bataille pour le partage de l’épargne mondiale : soit il y a rupture avec l’ancien modèle fondé sur les énergies carbonées, soit on verdit les anciennes énergies, soit on abandonne toute perspective de stopper l’inéluctable trajectoire climatique pour s’adapter aux conséquences.

Avec un horizon qui se noircit de plus en plus : les derniers chiffres d’analyse des températures mondiales publiées le 18 janvier par la Nasa et l’Université Columbia de New York sont catastrophiques. 2017 est la deuxième année la plus chaude depuis le début des relevés thermométriques (1880), et juste après 2016 ! Selon l’organisation Carbon Tracker Initiative, les gisements d’énergies fossiles, exploités ou en passe de l’être, représentent au moins cinq fois le niveau d’émissions à ne pas dépasser pour rester sous la barre des 2° C. La dernière COP, en 2017 à Bonn, en Allemagne, a confirmé que l’émission des gaz à effets de serre était repartie à la hausse malgré la signature de l’accord de Paris de 2015.

Les villes deviennent des acteurs climatiques majeurs qui défendent l’intérêt général face aux intérêts antagonistes des États et des multinationales.

Chaque semaine, nous donnons la parole à des économistes hétérodoxes dont nous partageons les constats… et les combats. Parce que, croyez-le ou non, d’autres politiques économiques sont possibles.

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