Arat Kilo : L’union sacrée des styles
Quand l’éthiojazz d’Arat Kilo se mêle aux chants insoumis du Mali et du hip-hop bostonien…
dans l’hebdo N° 1494 Acheter ce numéro
Bientôt dix ans qu’Arat Kilo sillonne en musique les territoires brûlants du Swingin’ Addis du début des années 1970 – cette parenthèse bouillonnante qui vit l’invention d’un jazz illicite et improbable dans la capitale éthiopienne. Un troisième album consacre le talent de ce sextette parisien aux aspirations intarissables : Visions of Selam. Un désir de paix (selam, en amharique) qui se conçoit dans l’union d’une Afrique libérée de certaines frontières criminelles.
Quand la diva malienne Mamani Keïta est conviée à joindre son chant hypnotique aux quatre gammes si spécifiques du jazz éthiopien, c’est l’Est et l’Ouest qui tissent des liens inouïs fondés sur les racines « [de] ces premiers commencements… Lucy ». Les langues se lient aux rythmes entêtants, bambara et freestyle s’emmêlent, « American Juju », « Dou Coula », « Soul Flood », « Chaos Embedded », une touche de créole avec « Vizeplio »…
Le rappeur/slammeur Mike Ladd est l’autre invité d’Arat Kilo. Une invitation transatlantique qui tient du rassemblement confraternel et privilégie l’union sacrée des styles, si différents soient-ils. Arat Kilo, c’est le nom d’une place d’Addis-Abeba au centre de laquelle s’érige un obélisque célébrant la libération du pays face au fascisme italien. Un symbole fort que se sont approprié Michael Harvard (saxophones, flûte), Fabien Girard (guitare électrique), Samuel Hirsch (guitare basse), Gérald Bonnegrace (percussions), Aristide Gonçalves (trompette, claviers) et Florent Berteau (batterie). Sous la bonne étoile du célèbre vibraphoniste Mulatu Astatké, qui avait consacré le groupe il y a quelques années. Avec Visions of Selam, enregistré « à l’ancienne », en trois jours, Arat Kilo réussit le pari d’un métissage hors norme qui pourrait bien faire des émules.
Visions of Selam, Accords Croisés/Pias.
Concerts : 4 avril au Café de la danse, Paris ; 9 mai au Magic Mirrors, Coutances ; 2 juin à La Nef, Angoulême.