« Les Bonnes Manières » : Un amour monstre
Les Bonnes Manières, un film d’horreur d’une grande profondeur.
dans l’hebdo N° 1495 Acheter ce numéro
Une nounou noire (Isabél Zuaa), une jeune femme enceinte (Marjorie Estiano) habitant les beaux quartiers de São Paulo, une relation amoureuse s’instaurant entre elles, un enfant (Miguel Lobo) à naître aux caractéristiques monstrueuses que la nounou va devoir élever seule, devenant ainsi sa mère adoptive… On se demande a priori s’il n’y aurait pas trop de thématiques dans ce deuxième long-métrage des Brésiliens Juliana Rojas et Marco Dutra : rapports de classes, différenciations raciales, relation lesbienne, amour maternel…
À bien chercher il est même possible d’en trouver d’autres. C’est pourtant une œuvre d’une grande fluidité que ces Bonnes Manières, dont, de surcroît, la première particularité est d’être un film d’horreur.
Le film, en effet, réserve son lot de métamorphoses provoquant le frisson, mais sans outrance ni grandiloquence. Ces terribles transformations se déroulent dans un climat non de cruauté mais, au contraire, d’amour. Elles sont porteuses de malheur, que les liens entre la mère et le fils tentent désespérément de combattre. Ces liens pouvant aussi être physiques : la mère attache réellement son fils pour éviter des drames. Les Bonnes Manières n’est souvent pas loin de faire des clins d’œil à ce qui peut se passer dans nos vies psychiques et bel et bien réelles…
Les différentes thématiques que le film noue avec habileté lui confèrent une profondeur que des prouesses de mise en scène ne pourraient lui attribuer seules. On passe subtilement d’un huis clos dans un grand appartement très stylisé à la vie d’un quartier populaire qui peut osciller entre bonhomie et pulsion de lynchage. Avec des comédiens impeccables et une intelligence du genre qu’ils exploitent brillamment, Juliana Rojas et Marco Dutra signent un film d’une remarquable -originalité.
Les Bonnes Manières, Juliana Rojas et Marco Dutra, 2 h 15.