Notre-Dame-des-Landes : Qui aura le droit de rester ?
Les négociations avec l’État ont débuté mais s’annoncent longues et périlleuses, alors que plane la menace des expulsions.
dans l’hebdo N° 1496 Acheter ce numéro
Dialoguer et privilégier l’agriculture. Voici le double sésame trouvé par le gouvernement pour apparaître comme le sauveur du bocage de Notre-Dame-des-Landes. « Je suis là pour tendre la main à des personnes parfois en situation d’illégalité, mais qui ont envie de revenir dans l’État de droit par l’agriculture », a lancé Sébastien Lecornu, secrétaire d’État à la Transition écologique et solidaire, lors de son exercice de communication. Un premier comité de pilotage s’est réuni le 19 mars autour de la préfète de la région Pays de la Loire et de la Loire-Atlantique, Nicole Klein, la pièce maîtresse de cette stratégie de l’apaisement. Pourtant, la délégation commune du mouvement d’opposition à l’ex-projet d’aéroport n’a pas été conviée. L’Acipa [1] a donc décliné l’invitation. Un premier faux pas à moitié réparé par Sébastien Lecornu, qui s’est entretenu avec la délégation du mouvement lors de sa venue.
À l’issue des premières discussions, la préfète a acté la nécessité d’entamer un diagnostic environnemental et agronomique de la zone. Ce dernier point risque de se compliquer avec l’arrivée de l’Association pour le maintien des exploitations légales sur l’ancienne zone aéroportuaire (Amelaza), autour des agriculteurs ayant accepté l’indemnisation en échange de l’abandon de leurs terres et qui veulent maintenant les récupérer. Signe positif : les interlocuteurs étatiques semblent (enfin) comprendre qu’un tissu rural implique d’autres acteurs que les agriculteurs. Un espoir pour la bibliothèque, les activités artisanales et la vente directe. Mais l’idée d’une gestion collective des 1 650 hectares par une association née de l’Assemblée des usages de la ZAD a été balayée.
La solution avancée par la préfète : les conventions d’occupation précaire. « Le mouvement et les habitants ne veulent pas entendre parler de conventions individualisées par lieu ou par personne, mais veulent une convention globale », précise Françoise Verchère, du Cedpa, l’association des élus s’opposant à l’aéroport. Concernant les divers habitats à préserver, Dominique Lebreton, agriculteur membre du mouvement anti-aéroport et de la Confédération paysanne, met en avant les déjà « nombreuses démolitions de villages par l’État pendant la période de lutte ».
Les expériences menées à Notre-Dame-des-Landes se démarquent franchement du modèle agricole conventionnel. « Les autorités estiment que la légalité se résume à payer du fermage, l’électricité, l’eau et être inscrit à la MSA pour les activités agricoles, décrypte Dominique Lebreton. Et du côté de la FNSEA, ils ne peuvent pas concevoir qu’on développe un projet agricole sans être un professionnel, sans intégrer la nécessité d’avoir tel revenu par an. Selon eux, les “vrais agriculteurs” sont des chefs d’entreprise. »
La date fatidique de la fin de la trêve hivernale – le 31 mars – approche, et avec elle la menace des expulsions des habitats de la ZAD. Mais il semblerait que la notion de respect de l’État de droit n’ait pas la même signification pour tout le monde. « Tous les lieux considérés comme illégaux n’ont pas eu droit à la procédure officielle, certains n’ont pas eu de jugement. De plus, les expulsions avaient été prononcées au motif que les travaux devaient démarrer. Ce n’est plus le cas, donc nous pouvons imaginer des recours devant le juge d’exécution des peines pour avoir des délais », détaille Françoise Verchère. Une coalition de 25 avocats a signé une lettre officielle adressée au Premier ministre pour demander sur quels fondements légaux, et non politiques, se fondent ces expulsions prévues à compter du 1er avril.
Le mouvement d’opposition à l’ex-projet d’aéroport n’en est pas encore à la fracture, mais quelques fissures apparaissent. À commencer par le débat concernant la D281, dite « route des chicanes ». Le fait qu’elle soit rouverte à la circulation semble faire consensus dans les discussions internes, mais un noyau de résistance persiste à s’y opposer. Même si personne ne perd confiance pour le moment. L’autre risque concerne la multiplication des revendications, qui peuvent apparaître contradictoires pour quelques personnes, notamment les élus. « Par exemple, le maire de Notre-Dame-des-Landes ne pourra certainement pas à la fois revendiquer zéro expulsion en tant que membre du Cedpa, et demander un certain nombre de régularisations en tant que maire de commune », analyse Françoise Verchère.
[1] Association historique des opposants à l’ancien projet d’aéroport.