10 outils pour brider le Parlement
La Constitution offre déjà un costaud arsenal de moyens permettant au gouvernement de contrôler députés et sénateurs.
dans l’hebdo N° 1500 Acheter ce numéro
Il a été élu sur la promesse d’un renouvellement de la pratique politique. Et les parlementaires n’ont pas été déçus… Alors qu’Emmanuel Macron s’apprête à opérer une réforme de la Constitution (lire ici), le Parlement se voit déjà imposer sans grande retenue la volonté de son gouvernement. Liste non exhaustive de ce que permet déjà la Constitution de la Ve République.
1. L’ordre du jour
Le gouvernement, l’Assemblée nationale et le Sénat décident conjointement, depuis la réforme constitutionnelle de 2008, des sujets qu’une assemblée doit aborder au cours d’une séance. Pourtant, les séances dont l’ordre du jour est dicté par le Parlement sont généralement réservées au contrôle de l’action du gouvernement, laissant de fait moins de temps pour étudier les différentes propositions de lois soumises par les élus, chaque groupe parlementaire ne disposant que d’une journée par an pour faire valoir les siennes.
2. La procédure « accélérée »
Loi travail, loi asile et immigration, pacte ferroviaire, loi de programmation militaire… Autant de projets de loi présentés par le gouvernement et pour lesquels ce dernier a activé « la procédure accélérée ». Comme annoncé dans son programme, le président de la République ne s’embarrasse pas des deux lectures de la procédure normale. La procédure accélérée permet en effet de ne présenter le texte qu’une fois devant chaque chambre.
3. Utiliser des députés de la majorité
Alors qu’un projet de loi doit être présenté au Conseil d’État pour avis et être assorti d’une étude d’impact, ce n’est pas le cas des propositions de loi – présentées par les députés. Aussi, certaines lois susceptibles de recueillir un avis défavorable sont directement présentées par des élus de la majorité parlementaire. Comme la loi Warsmann, du nom du député « UDI, Agir et indépendants » Jean-Luc Warsmann, relative aux « Dublinés », ou la prochaine loi sur les « fake news ».
4. Amender après le passage en commission
Tout comme les parlementaires, le gouvernement a la possibilité d’amender son texte durant la procédure d’examen. Une pratique dont il ne s’est pas privé, notamment sur le « pacte ferroviaire », où le gouvernement a ajouté à cette loi d’habilitation (voir point numéro 5) un article essentiel – la transformation de la SNCF en société-anonyme – avant l’article 1, par amendement déposé après l’examen en commission. Le tout sans passer par le biais de l’étude d’impact et sans obtenir le blanc-seing du Conseil d’État.
5. Les ordonnances
La pratique est loin d’être nouvelle et le président de la République est rompu à l’exercice. Utilisé pour la loi Macron et la réforme du code des marchés publics sous la présidence Hollande, le recours aux ordonnances permet au gouvernement de légiférer par le biais d’ordonnances. Ainsi, le Parlement n’est réduit à voter que des lois d’habilitation, bien moins détaillées, et donc moins longues à étudier, qu’un texte entier.
6. Le vote « réservé »
La procédure du « vote réservé » permet à un gouvernement, qui risquerait d’être minoritaire sur des amendements ou des articles d’un texte en discussion, de refuser le vote à l’issue de leur examen pour le reporter à un moment plus propice ou, à défaut, en fin d’examen du texte.
7. L’irrecevabilité
Si une proposition de loi ne peut être écartée par le biais de l’ordre du jour, ou un amendement refusé par la majorité en commission, le gouvernement peut activer une procédure d’irrecevabilité du texte, comme l’y autorise l’article 41 de la Constitution. Ainsi, si le gouvernement oppose l’irrecevabilité, le président de l’assemblée saisie doit se prononcer. En cas d’accord, le texte sera écarté.
8. Le « vote bloqué »
Alors que le Sénat étudiait une proposition de loi visant à revaloriser les pensions des retraites agricoles à hauteur de 85 % du Smic – déjà votée par l’Assemblée nationale –, le gouvernement d’Édouard Philippe a eu recours à une procédure très rarement utilisée, celle du « vote bloqué ». Cette dernière permet au gouvernement de demander un vote sur l’ensemble d’un texte, après en avoir retiré les amendements litigieux ou ajouté les siens.
9. L’arme atomique du 49-3
On ne le présente plus. L’article 49 alinéa 3 de la Constitution prévoit de considérer comme adopté par l’Assemblée nationale – et seulement par elle – un texte de loi sans que celle-ci ne vote le texte. Utilisée pour la loi travail du gouvernement de Manuel Valls, la procédure du 49-3 impose au gouvernement d’engager sa responsabilité sur le texte ; le seul moyen pour l’Assemblée de refuser le texte est alors de renverser le gouvernement (ce qui n’est jamais arrivé depuis 1958).
10. La dissolution, ultime recours
Dans le cas où un Président perdrait sa majorité à l’Assemblée, l’article 12 de la Constitution lui permet de dissoudre la chambre après consultation des présidents des deux assemblées et du Premier ministre. Mais à ses risques et périls ! L’épisode de 1997 (la dissolution décidée par Jacques Chirac), avec la victoire de la gauche plurielle aux législatives anticipées, en est le parfait exemple.