Oscar, mineur étranger isolé : « Un policier a déchiré mon acte de naissance »
Oscar, 16 ans, n’a pas été reconnu comme mineur isolé et a été refoulé en Italie, d’où il venait. Récit.
dans l’hebdo N° 1497 Acheter ce numéro
Oscar ne veut pas manger et refuse avec douceur un café ou un chocolat chaud. Il grelotte. Sa doudoune noire ne le réchauffe pas suffisamment. La tristesse se lit sur son visage, la colère aussi. Arrêté par la police française à Menton le vendredi 30 mars au soir, il ne ressort du poste de frontière que le lendemain matin vers 8 heures. L’adolescent a passé la nuit avec dix-huit autres hommes, tous enfermés dans la même salle glaciale, sans recevoir aucune nourriture ni bouteille d’eau. « J’ai demandé de l’eau, ils m’ont dit de boire au lavabo », glisse Oscar, épuisé.
Le jeune Ivoirien sort son formulaire de refus d’entrée et répète : « Ils se sont trompés sur ma date de naissance ! » Oscar affirme être né le « 30 du douzième mois de 2002 ». Il n’aurait même pas 16 ans. Son refus d’entrée indique le 1er février 2000. Pourtant, il détenait la preuve écrite de son âge. « Le premier agent a pris mon acte de naissance et l’a regardé. Il m’a demandé ma date de naissance pour vérifier si c’était pareil, puis me l’a rendu. Un autre policier l’a pris et l’a déchiré sous mes yeux. Je n’ai pas eu le temps de dire quoi que ce soit. Il m’a attrapé, m’a mis dans la salle avec les autres et a fermé à clé. C’était un agent de police, je n’ai pas voulu résister. »
Dernier espoir : un responsable d’une association où Oscar était installé à Palerme (Sicile) possède une photocopie du précieux papier d’identité. L’adolescent n’a plus ni batterie ni unité sur son téléphone portable, alors Me Mireille Damiano lui prête le sien. Après plusieurs essais, un contact est établi avec une personne sur place qui enverra le document par mail à l’avocate.
Oscar raconte brièvement qu’il a dû fuir son pays avec son grand-père et « sa petite maman » (sa tante) pour aller au Ghana lors de la crise ivoirienne de 2010. Après les « fêtes de fin d’année 2016 », il quitte San Pedro, au sud du pays. Il traverse le Burkina Faso, le Niger, la Libye et atteint les côtes italiennes en mai dernier. Un périple de cinq mois effectué avec son ami Ange-Patrick. Celui-ci était également à la PAF de Menton, mais a été emmené ailleurs en pleine nuit, dans d’étranges circonstances. Oscar n’a pas réussi à le joindre par téléphone samedi matin. L’adolescent ne supporte plus les difficultés du quotidien dans les « campo » italiens et souhaite rester en France, même s’il est seul.
Pour Me Mireille Damiano, le cas d’Oscar incarne toutes les irrégularités fréquemment dénoncées. « Ce mineur isolé a passé toute la nuit dans un lieu privatif de liberté, il comprend juste un peu le français, son refus d’entrée présente des cases précochées, et je constate une sorte de rature sur sa date de naissance… En outre, son acte de naissance aurait été déchiré ! » Cette spécialiste du droit des étrangers compte bien engager une procédure de référé-liberté. L’espoir d’une solution immédiate a animé Oscar pendant quelques heures. Mais, comme il n’est pas reconnu mineur, aucune prise en charge ne peut être demandée. Il repasse donc la frontière, direction Vintimille. « Et maintenant ? », demande-t-il. Maintenant, il faut attendre, encore.