Syrie : Macron peine à démontrer l’efficacité des frappes

Le chef de l’État s’est même paradoxalement efforcé de minimiser l’impact de son action militaire.

Denis Sieffert  • 15 avril 2018
Partager :
Syrie : Macron peine à démontrer l’efficacité des frappes
© Photo : Capture d'écran.

Comme on pouvait s’y attendre, l’entretien du président de la République avec Jean-Jacques Bourdin et Edwy Plenel s’est ouvert sur une longue séquence consacrée à la Syrie. Emmanuel Macron a peiné à démontrer l’efficacité des frappes menées conjointement par la France, les États-Unis et le Royaume-Uni contre des sites de production d’armes chimiques. Certes, il a affirmé que « l‘intégralité des objectifs avaient été atteints », et il a revendiqué, de façon d’ailleurs très discutable, la « légitimité » de cette opération. Mais il n’a guère été convaincant sur l’articulation entre cette action et la relance d’une initiative diplomatique.

« Cette frappe était indispensable, a-t-il seulement prétendu, pour redonner de la crédibilité à la communauté internationale. » Mais il a surtout reconnu qu’elle visait à retrouver une crédibilité « par rapport aux Russes », critiquant implicitement le recul de Barack Obama en 2013 qui a pu constituer aux yeux de Vladimir Poutine un « aveu de faiblesse ». Si Emmanuel Macron a confirmé son intention de prendre part à une conférence réunissant le Turc Erdogan, Poutine et l’Iranien Rohani, la question reste posée : les bombes françaises ont-elle facilité cette rencontre ? Dimanche soir, le président de la République n’en a pas apporté la preuve.

Prévenant d’autres critiques, et niant tout parallèle avec l’intervention de mars 2011en Libye, il a ensuite souligné que la France « n’a pas déclaré la guerre à Bachar Al-Assad ». Paradoxalement, il s’est finalement efforcé de minimiser l’impact de son action militaire. Enfin, on aura noté, au terme de cette séquence, son souci de se démarquer de Donald Trump, notamment lorsqu’Edwy Plenel a rappelé que l’obsession du Président américain était de remettre en cause l’accord sur le nucléaire iranien violemment contesté par Israël.

Comment être assuré que la France n’est pas engagée dans un engrenage guerrier ? La crainte est d’autant plus vive que Paris s’est ostensiblement engagé au côté de l’Arabie saoudite lors de la récente visite du prince héritier Mohamed Ben Slimane. De là à imaginer que l’intervention française en Syrie s’inscrit dans une stratégie plus vaste, et très inquiétante, aux côtés des États-Unis et d’Israël contre l’Iran, il n’y avait qu’un pas. Prenons au moins note qu’Emmanuel Macron a redit son attachement à l’accord avec l’Iran. Même si les mots et les actes ne sont pas en parfaite cohérence. Le risque des frappes de samedi, c’est d’intégrer la France à une ligne de front qui l’engage dans un combat bien éloigné du sort du peuple syrien.

Monde Politique
Temps de lecture : 2 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

Gaza, le retour dans les ruines
Reportage 5 février 2025 abonné·es

Gaza, le retour dans les ruines

Depuis l’entrée en vigueur du cessez-le-feu entre Israël et le Hamas fin janvier, près de 400 000 Palestiniens sont rentrés chez eux, dans le Nord, selon l’ONU. Des familles entières qui, après quinze mois de guerre d’une violence extrême, sont à nouveau plongées dans un désastre humanitaire.
Par Alice Froussard
« Aux États-Unis, l’existence des personnes trans pourrait être rendue impossible »
Entretien 4 février 2025 abonné·es

« Aux États-Unis, l’existence des personnes trans pourrait être rendue impossible »

Alors que Donald Trump multiplie les décrets transphobes, Maud Royer, présidente de l’association Toutes des femmes et autrice de Le Lobby transphobe (Textuel, 2024) revient sur le poids que ces décisions peuvent avoir dans le contexte français.
Par Hugo Boursier
Jim Acosta, « bête noire de Trump », quitte CNN : est-il déjà trop tard ?
Sur le gril 3 février 2025

Jim Acosta, « bête noire de Trump », quitte CNN : est-il déjà trop tard ?

Le célèbre journaliste a préféré démissionner qu’être rétrogradé par la chaîne d’information. Les mots qu’il a prononcés en direct sonnent comme un cri de ralliement face à l’ère fasciste qu’annonce le second mandat du 47e président des États-Unis.
Par Pauline Bock
Villeneuve-Saint-Georges, la gauche la plus triste du monde
Gauche 3 février 2025

Villeneuve-Saint-Georges, la gauche la plus triste du monde

Ce dimanche se tenait le second tour de l’élection municipale partielle. Elle avait valeur de test, notamment à gauche. Le député LFI Louis Boyard y a perdu sèchement contre la droite.
Par Roger Martelli