Tarnac : fiction et relaxes

À l’issue de dix ans de procédure, Yildune Lévy et Julien Coupat sont seulement condamnés pour refus de prélèvement ADN. Le tribunal a reconnu que le « groupe de Tarnac » n’existait pas.

Ingrid Merckx  • 12 avril 2018
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Tarnac : fiction et relaxes
© photo : ALAIN JOCARD / AFP

Ils étaient poursuivis pour terrorisme. Au bout de dix ans de procédure, Yildune Lévy et Julien Coupat sont finalement jugés coupables de refus de prélèvement biologique et sont dispensés de peine, la présidente estimant que le dommage causé était réparé. Sur les huit prévenus du procès de Tarnac, seuls deux étaient présents pour le dernier acte qui se tenait au tribunal de grande instance de Paris à 10 heures ce 12 avril : Yildune Lévy et Bertrand Deveaud. Ultime irrévérence ? Ou signe ostensible que leur rôle était terminé ?

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C’est l’avocat de sept d’entre eux, Me Jérémie Assous, qui a recueilli la décision du tribunal, le sourire aux lèvres. « L’audience a permis de comprendre que le groupe de Tarnac était une fiction », a déclaré la présidente du tribunal, Corinne Goetzmann en entamant la liste des jugements pour chaque qualification.

Julien Coupat et Yildune Lévy, accusés d’avoir participé à un groupement formé ou une entente en vue de préparer des actes de dégradation et de violence contre des biens publics et des agents pendant des manifestations, pour avoir dégradé du matériel roulant et des câbles appartenant à la SNCF et refusé de se soumettre au prélèvement biologique, ont été relaxés des deux premiers chefs.

Pour le troisième, le tribunal a estimé que Julien Coupat et Yildune Lévy étant placés sous surveillance à l’époque, et « même s’ils ont accepté de donner des vêtements par la suite », qu’il existait des « indices graves et concordants » justifiant la demande de prélèvement ADN. En revanche, pour Mathieu Burnel, Elsa Hauck, Bertrand Deveaud et Benjamin Rosoux, le tribunal a jugé au contraire qu’il n’existait pas suffisamment « d’indices graves et concordants » justifiant ces prélèvements. Auquel cas les quatre prévenus étaient « légitimes à les refuser ». Ils ont donc été relaxés.

Cette décision, qui fera réagir les opposants aux prélèvements biologiques, notamment sur les militants, apparaît néanmoins symbolique face aux peines encourues initialement : jusqu’à vingt ans de prison pour l’accusation de terrorisme qui a tenu pendant neuf ans, jusqu’à cinq ans de prison pour sabotage et associations de malfaiteurs, a-t-il été rappelé au démarrage du procès, le 13 mars dernier.

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Le tribunal a choisi de tenir ferme la ligne juridique et de s’en tenir aux preuves lors d’un procès hors normes où les prévenus ne suivaient pas tous les usages et prenaient largement part à leur défense, tandis que le parquet continuait à défendre comme base d’accusation un procès-verbal bancal et masquant des défaillances des services et une opaque guerre des polices sur fond d’instrumentalisation d’un « péril rouge ».

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Corinne Goetzmann a souligné que le témoignage de Jean-Hugues Bourgeois, qui a justifié gardes à vue et incarcérations, n’avait pas été retenu. En revanche, le procès-verbal n’a pas été reconnu comme un faux, contrairement à ce que soutenait la défense. De même, le tribunal a considéré que les policiers étaient bien présents sur les lieux du sabotage la nuit du 7 au 8 novembre 2011, quand la défense avait tenté de démontrer qu’ils avaient rédigé une partie du procès-verbal à distance. En revanche, le tribunal a jugé que le procès-verbal ne contenait pas suffisamment d’éléments « probants » pour inculper Julien Coupat et Yildune Lévy des faits de sabotage qui leur étaient reprochés.

Autre soulagement, sur les accusations relatives aux événements survenus pendant la manifestation à Vichy contre le sommet sur les migrations de ministres de l’Intérieur de plusieurs pays d’Europe, le 3 novembre 2008. Le tribunal a considéré qu’il n’y avait pas « d’entente » en vue de préparer des actes de violence ni même assez d’éléments démontrant que Julien Coupat avait préparé des actions violentes en dirigeant une équipe de manifestants. En relaxant Bertrand Deveaud, Elsa Hauck et Julien Coupat, le tribunal a ainsi esquivé le risque de « criminalisation des manifestants » qui pesait sur ce procès.

Frustration et gâchis 

Finalement, sur les huit prévenus, c’est Christophe Becker qui écope du plus grand nombre de condamnations : recel de documents volés, tentatives de falsification de documents administratifs, refus de prélèvement ADN et refus de signalisation. Il est condamné à quatre mois de prison avec sursis et 500 euros d’amende. Son ex-compagne Manon Glibert a été relaxée.

Exit le procès pour terrorisme, exit le procès de l’antiterrorisme, exit le procès des manifestants « violents », exit le procès du « mode de vie collectif », mais exit aussi le procès de la police et le procès du procès… Le tribunal a fait respecter le droit dans des audiences où il s’est montré à l’écoute mais sans parvenir à faire la lumière sur un certain nombre de dysfonctionnements. Si les prévenus présents et leurs avocats ont exprimé un grand soulagement, ce procès de Tarnac laisse un sentiment de frustration et de gâchis : dix ans de procédure pour établir que les preuves n’étaient pas suffisantes, des « vies perturbées et des amitiés brisées », des services de police humiliés mais pas mis en cause.

Certains soutiens des inculpés de Tarnac voudraient que Julien Coupat et Yildune Lévy portent plainte contre leurs incarcérations. Il n’est pas dit non plus que le parquet ne fera pas appel. Il a quinze jours pour faire connaître sa décision.

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