Danny Buckton Trio : Les trois font la paire
Sur Argentique, son deuxième album, le Danny Buckton Trio accueille des invités variés, qui agrémentent ses chroniques poétiques. À découvrir à L’Européen, à Paris, le 16 mai.
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Dans la chanson, il s’appelle Denis. Pas dit que ce soit son vrai prénom. Comme Danny n’est pas le vrai prénom du chanteur du Danny Buckton Trio, qui a créé son nom de scène en plongeant le héros de Tortilla Flat dans la ville où le héros de J’irai cracher sur vos tombes monte une librairie…
Toujours est-il que Denis et Danny étaient dans le même bateau à Vigneux-sur-Seine (Essonne), où ils traînaient leurs 20 ans. « On ne pensait pas toucher le fond et on voulait sauter de haut/ Cette seconde de lévitation est ce que j’ai vu de plus beau » (« Denis »). Dix ans plus tard, ils sont toujours amis mais n’ont pas la même vie. « Est-ce que tu oses encore m’appeler à l’heure où viennent tes insomnies/ On devient un peu plus secrets, c’est notre pudeur qui sourit » (« Denis »).
« On s’est vus pas plus tard que le week-end dernier ! », s’étonne presque le chanteur, attablé dans un café place de la Bastille. Comme si ce n’était plus si fréquent. Quelque chose a changé, laisse-t-il deviner en évoquant son ami d’enfance, ce matin d’avril où le trio s’est levé de bonne heure pour aller coller dans Paris des affiches annonçant le concert de sortie de son deuxième album, Argentique, le 16 mai, à L’Européen.
La façon dont l’amitié évolue dans cette chanson : c’est ce qui touche Renan, saxophoniste, guitariste, pianiste et percussionniste. « Mais, moi, je ne me suis jamais ennuyé avec mes potes ! », s’amuse-t-il en jetant un coup d’œil au troisième larron, Côme, batteur, guitariste et percussionniste. Eux ont grandi dans une banlieue « plus proche de Paris ». Surtout, ils étaient scolarisés dans un collège à horaires aménagés, à Thiais. « On faisait dix-sept heures de musique par semaine. Les groupes tournaient, les cours de solfège et les instruments aussi. Il y avait une ambiance incroyable. Ça ne fait pas la même adolescence… » D’autant qu’ils ont enchaîné avec le lycée musique de la ville, puis en musicologie à la Sorbonne, quand Danny soignait sa littérature à l’école départementale de théâtre de Corbeil-Essonnes puis jouait Shakespeare au Lucernaire. « Tu avais quand même monté un groupe, les Pantins toniques© ! », rappelle Renan au chanteur, qui a pris la guitare après la plume, à 19 ans. Jusqu’alors, il chantait en silence, des mélodies dans sa tête, des chansons muettes.
Dans le projet du trio, c’est le texte d’abord. « Si le texte ne nous parle pas, on dit à Danny qu’on ne prend pas », lâche Côme, moins bavard que les deux autres. Le texte, c’est ce qui a happé Renan quand il a entendu Danny la première fois, lors d’un concert chez une amie commune. C’était en 2013, Danny revenait d’une aventure en Malaisie, où il avait survécu à un orage terrible en montagne. « Ça fait un bruit d’explosion, la foudre, quand ça tombe… » Le feu malais sert d’électrochoc : à pas même 23 ans, il décide qu’« avant de mourir » il lui faut chanter sur scène. Il se jette à l’eau. Dans les bars, c’est un peu dur parfois, les tours solo devant quatre personnes et un copain qui arrive quand c’est fini. « Mais très formateur… »
Quand Renan le découvre, il se dit que ce serait bien d’ajouter un peu de musique pour « porter ses mots ». « Ce que j’aimais chez les Têtes raides, par exemple, c’était leur grande cohésion musicale, explique le saxophoniste_. Guitare-chant, c’est bien, mais ajouter des instruments, ça fait des respirations… »_ Ça habille, ça souligne, ça rythme, ça donne de la profondeur ou de la légèreté, ça prolonge l’imagination ou l’émotion… Comme ces phrases cuivrées dans « Vingt ans ».
Danny pensait à un trio depuis un moment. « C’est jouable économiquement, ça tient sur de nombreuses scènes, ça entre dans une voiture… » – enfin presque, parce que ces musiciens sont multi-instrumentistes. Ce qui leur vaut des comparaisons avec les Ogres de Barback. Sur scène, Renan joue devant _« une table-stand montée sur roulettes » qui lui permet de changer d’instruments en cours de morceau. En coarrangeant les chansons – chroniques poétiques, mélancoliques, grivoises ou réalistes –, les trois veulent « ne pas en mettre trop », mais varier les genres et les interventions. « Travailler l’épure », mais aussi « des choses sophistiquées ». Et glisser de courtes impro. « Dernier tango sur la banquise » est un exercice de style en alexandrins avec des rimes internes. « Rue de l’Échiquier » repose sur un duo de guitares aux harmonies pas si simples.
« On s’est inspirés d’Anne Sylvestre », raconte Renan, une référence pas forcément attendue chez des trentenaires. Danny, avec sa tête de gentil et ses inflexions à la Miossec, cite Brassens et Thomas Fersen comme repères. Côme se dit « plutôt rock, métal, punk ». Il jouait dans un groupe de funk avec Renan, résolument jazz, avec une dégaine un peu reggae. « Anne Sylvestre était jurée d’un concours auquel on participait. On a dû jouer devant elle un arrangement d’un de ses morceaux », sourit-il. « On n’a pas gagné, d’ailleurs », intervient Côme. Les trois se souviennent émus d’un concert qu’elle a donné au 13e Art à Paris. « Une grosse claque… »
Passés par le festival Ta Parole à Montreuil et par le Festival d’Avignon, épreuve éprouvante mais déterminante, ils ont sorti leur premier album, Des femmes et du néant, en 2017. Couronnés par l’Académie Charles-Cros, ils s’apprêtent à concourir pour la médaille d’or de la chanson à Saignelégier (Suisse), à embarquer sur un char pour la fête à Macron le 5 mai, et préparent d’arrache-pied L’Européen, leur première grande salle, où ils ont convié la moitié des invités qui se joignent à eux sur _Argentique. Dont le peintre qui a conçu la pochette et improvisera des toiles pendant le concert. Le trio, c’est le noyau autour duquel ils font tourner une kyrielle de couleurs et de combinaisons.
Argentique, Danny Buckton Trio. Le 5 mai à 16 heures pour la « fête à Macron », le 16 mai à L’Européen, à Paris, le 5 juillet à Albi, dannybuckton.com