Hulot, écolo en terre inconnue

Faire-valoir vert du macronisme, le ministre de la Transition écologique et solidaire a vécu une année riche en renoncements.

Vanina Delmas  • 3 mai 2018 abonné·es
Hulot, écolo en terre inconnue
© photo : BERTRAND GUAY/AFP

La voix faussement assurée, Nicolas Hulot lit ses notes devant les caméras. Le ministre de la Transition écologique et solidaire a visiblement la gorge serrée, et ce n’est pas à cause de sa cravate, puisqu’il n’en porte pas. La sentence est tombée juste après le Conseil des ministres du 7 novembre 2017 : l’objectif de baisser la part du nucléaire à 50 % dans le mix énergétique ne sera pas tenu pour 2025. Pour cette annonce fâcheuse, le n° 3 du gouvernement est entouré de ses deux secrétaires d’État, Brune Poirson et Sébastien Lecornu, et de Christophe Castaner, alors porte-parole du gouvernement, tels des gardes du corps – ou de la pensée. Ce jour-là, Nicolas Hulot a revêtu en direct son costume de ministre et laissé celui de militant écologiste au placard.

Les quelques espoirs qui persistaient chez les associations environnementales se sont envolés. « L’annonce par Nicolas Hulot […] nous stupéfie autant qu’elle nous inquiète. Sincérité ne signifie pas renoncement, qui plus est sans aucune alternative proposée », s’indigne la Fondation pour la nature et l’homme (FNH), ex-Fondation Nicolas-Hulot. « Nous ne sommes pas naïfs, mais nous sommes surpris qu’un ministre d’État ne fasse pas le poids face aux lobbys industriels comme EDF. Le modèle dominant s’impose en dépit de ses propres convictions », déplore Michel Dubromel, président de France nature environnement (FNE). Une soumission aux lobbys qui peut également expliquer le recul sur le dossier du glyphosate. Malgré la décision de l’Union européenne de renouveler la licence de l’herbicide pour cinq ans en novembre dernier, Emmanuel Macron avait promis que le principe actif du Roundup de Monsanto serait interdit en France « au plus tard dans trois ans ». Une victoire pour Hulot. Mais, trois mois plus tard, le ministre n’est plus aussi combatif et évoque des exceptions si les agriculteurs ne sont pas prêts.

Apprenti politique

Si les associations écologistes reconnaissent la qualité d’écoute du ministre, qui les reçoit pendant deux heures tous les deux mois environ (1), leurs inquiétudes ne s’apaisent pas au fil des mois. « Nous avons de l’expérience, une expertise importante, mais nous ne trouvons pas notre place dans le dispositif », glisse Michel Dubromel. Elles ne sont même pas consultées sur des dossiers importants, comme celui des néonicotinoïdes, ces pesticides tueurs d’abeilles. Pour la loi sur les hydrocarbures, les représentants d’associations ont eu la désagréable surprise de découvrir un texte présenté au Conseil des ministres différent de celui qu’ils avaient lu une semaine plus tôt.

Depuis un an, les contradictions écologiques s’accumulent : l’abandon du projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes, mais la poursuite des contournements routiers de Strasbourg et Rouen ; une volonté de promouvoir la solidarité climatique envers les pays les plus touchés, mais un rabotage de la taxe sur les transactions financières censé les aider… Sans oublier les coupes aux aides à l’agriculture biologique pendant les États généraux de l’alimentation.

« Hormis quelques mesures structurantes comme l’augmentation de la taxe carbone ou le rattrapage fiscal diesel-essence, nous restons sur une politique des petits pas », regrette Morgane Créach, présidente du Réseau action climat. Le président de FNE pointe tout de même un succès de Nicolas Hulot passé inaperçu : la santé environnementale. « Il est parvenu à ce que l’environnement soit pris en compte dans la Stratégie nationale de la santé, alors que ces dossiers ont toujours été séparés. » Tout en reconnaissant un bémol majeur : l’échec sur les perturbateurs endocriniens. Pour pallier la définition laxiste de la Commission européenne, des mesures au niveau national devaient être prises. Aucune nouvelle depuis juillet.

Si entrer dans l’arène politique a toujours titillé l’ancien animateur télé, il n’avait jamais vraiment franchi le pas. Son rôle d’« envoyé spécial pour la protection de la planète » auprès de François Hollande lui avait donné ­satisfaction, la COP 21 étant considérée comme une réussite, mais l’avait préservé des rapports de force politiques. Nicolas Hulot apparaît encore comme un animal politique en plein apprentissage face aux tacticiens du gouvernement tels que le Premier ministre, Édouard Philippe, ou le ministre de l’Agriculture, Stéphane Travert. Ainsi, l’un de ses premiers actes a été de signer un arrêté autorisant l’abattage de quarante loups. Un geste de résignation aux antipodes de ses intimes convictions et de son attachement à la défense de la biodiversité. Preuve que le ministre n’a pas les mains libres.

Joker ou pantin ?

La popularité de Nicolas Hulot, qui ne décroît pas, en fait un parfait représentant médiatique. Et la rareté de sa parole rend celle-ci précieuse. Quand c’est pour demander « un sursaut d’indignation » aux députés face à la sixième extinction de la biodiversité, elle semble porteuse d’espoir. Quand c’est pour fustiger les zadistes de Notre-Dame-des-Landes en clamant : « Ne confondons pas écologie et anarchie ! » et pour « témoigner de la retenue des gendarmes », elle sonne faux. Donnant l’impression que le néoministre se fond de plus en plus dans le moule macronien.

À l’occasion du Sommet climat et finance – ou One Planet Summit –, Nicolas Hulot annonçait la naissance d’un accélérateur de transition énergétique tout en ironisant sur son nouveau statut : « Qui aurait imaginé quelques années en arrière que je sois accueilli au siège du Medef […], venu non pas secouer les entrepreneurs ou les acteurs économiques mais plutôt les encourager ou les féliciter ? » Fin mars, il passe à l’étape suivante en nommant le comité de cet accélérateur, avec à sa tête le président de Michelin. Enfin, sa tribune pour défendre la réforme de la SNCF termine la mue. « Par son silence, Nicolas Hulot avait jusqu’à maintenant essayé d’agir tout en évitant de cautionner les renoncements du gouvernement. Avec cette tribune, un seuil a été franchi », a réagi David Cormand, secrétaire national d’EELV, dans Libération.

Les interrogations persistent : quel est le véritable rôle de Nicolas Hulot ? Quelle place ce gouvernement macronien accorde-t-il vraiment à l’écologie ? Et surtout, quelle écologie ? Les élèves modèles du macronisme que sont Sébastien Lecornu et François de Rugy prônent « l’écologie pragmatique », qui se résume à une écologie des petites actions. Et quelle est la vision du ministre de l’Écologie ? « Cela dépend de quel Hulot nous parlons, analyse Sandra Regol, porte-parole d’EELV. Celui d’“Ushuaïa” avait cette vision des petits gestes. Celui de la FNH s’est politisé et a conscientisé le fait que chaque oppression environnementale est une oppression sociale. Il a dit très tôt que le capitalisme est l’ennemi de l’écologie. Mais le Hulot d’aujourd’hui, je ne sais pas où il est… » Une errance intellectuelle et politique qui trouvera prochainement un point d’attache, positif ou négatif, avec deux dossiers à venir : le Plan biodiversité et la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE).

(1) Notamment celles siégeant au Conseil national de la transition écologique : Les Amis de la Terre-France, Ligue pour la protection des oiseaux, France nature environnement, Fondation pour la nature et l’homme, WWF, Humanité et biodiversité, Réseau action climat et Surfrider Foundation Europe

Écologie
Publié dans le dossier
Macron, un an : La droite parallèle
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