Israël fête ses 70 ans, et après ?
Tribune collective à l’initiative du Collectif « Trop, c’est trop ! » et de la Ligue des droits de l’homme, adressée à l’Union européenne et au président de la République. Le massacre commis à Gaza ne fait que renforcer l’urgence d’un texte écrit avant ces événements.
Israël fête ses 70 ans d’existence. Sa proclamation en 1948 au lendemain de la Seconde Guerre mondiale marquée par le génocide des Juifs d’Europe, a été accueillie dans le monde comme un refuge pour les survivants et comme un espoir. En même temps, elle a dépossédé les Palestiniens d’une partie importante de leur pays et représenté pour eux une catastrophe, la Naqba. Soixante-dix ans plus tard, l’État d’Israël est une réalité, comme est une réalité le fait que des millions de Palestiniens vivent dans une situation insupportable d’occupation, d’enfermement à Gaza, de discriminations en Israël ou d’exil.
Depuis 1948, ces deux réalités s’entrechoquent, entraînant du sang et des larmes, entravant l’avenir des peuples de la région et produisant ses effets jusqu’en Europe et dans le reste du monde. L’occupation et la colonisation poursuivie par Israël depuis 1967 de territoires ne faisant pas partie de ses frontières internationalement reconnues aggrave une situation régionale par ailleurs bouleversée par de nombreux conflits et fait peser de lourdes menaces sur la paix mondiale.
Ce qui n’est pas supportable, c’est la négation assumée des droits du peuple palestinien par la force brute de la répression et des armes. S’appropriant les terres, cantonnant les Palestiniens à des territoires de plus en plus réduits, les différents gouvernements israéliens détruisent de plus en plus sûrement tout espoir que deux États puissent vivre en paix, côte à côte, avec Jérusalem comme capitale commune. Le résultat de leur politique interroge, certes, sur la possibilité de cette solution. La poursuite continue de la colonisation conduisant à l’installation de quelque 700 000 colons en Cisjordanie a sapé les espoirs suscités par le processus d’Oslo. Mais il est clair que l’hypothèse louable d’un seul État ouvert à tous avec les mêmes droits se heurte aux aspirations nationales des deux peuples. L’établissement de deux États dans les frontières de 1967, garantissant une solution aux réfugiés et établissant Jérusalem comme capitale des deux pays, reste, au moins à court et moyen terme, la seule solution viable.
Il est illusoire de penser que laisser le gouvernement israélien et l’Autorité palestinienne face à face permettrait d’avancer dans cette voie. Seule l’intervention de la communauté internationale permettra de peser sur les deux parties, en particulier sur les autorités israéliennes qui se sentent revêtues de l’impunité que leur confère le soutien indéfectible des États-Unis.
C’est donc à l’Union européenne d’agir. L’Europe doit cesser de regarder ce conflit comme une séquelle de ses responsabilités dans le génocide des juifs et de la manière dont y ont été traités les survivants. Ramener le gouvernement israélien au respect du droit et à la raison, dénoncer sa politique, n’est en rien une manifestation d’antisémitisme. Antisémitisme dont nous combattons les manifestations insupportables qui se produisent partout en Europe.
Nous appelons l’Union européenne à promouvoir une conférence internationale en charge du règlement du conflit sur la base des résolutions des Nations unies, à peser par tous moyens, y compris par des sanctions, sur les autorités israéliennes et à reconnaître l’Etat de Palestine. La France doit agir en ce sens en procédant elle-même à cette reconnaissance sans délai.
Signataires :
Tewfik Allal, militant associatif,
Jean-Christophe Attias, directeur d’études à l’EPHE,
Bertrand Badie, professeur à l’IEP Paris,
Françoise Basch, universitaire,
Sophie Basch, professeur à Sorbonne Université,
Esther Benbassa, sénatrice EELV, universitaire,
Sophie Bessis, historienne,
Françoise Blum, ingénieure CNRS,
Barbara Cassin, chercheur CNRS,
Mouhieddine Cherbib, militant associatif CRLDH Tunisie,
Alice Cherki, psychanalyste,
Catherine Coquery-Vidrovitch, historienne,
Michel Deyfus, directeur de recherche au CNRS,
Dominique Guibert, président de l’AEDH,
Christiane Hessel, présidente d’honneur de Les Enfants, le Jeu, l’Education,
Alain Joxe, directeur d’études à l’EHESS,
Robert Kissous, militant associatif,
Abdelatif Laabi, écrivain,
Nicole Lapierre, socio-anthropologue, directrice de recherche émérite au CNRS,
Henri Leclerc, président d’honneur de la LDH,
Jean-Claude Lefort, député honoraire,
Catherine Lévy, sociologue CNRS,
Gilles Manceron, historien,
Michel Mousel, militant politique,
Fabienne Messica, sociologue,
Bernard Ravenel, historien,
Vincent Rebérioux, LDH,
Malik Salemkour, président de la LDH,
Abraham Ségal, documentariste,
Denis Sieffert, journaliste,
Taoufiq Tahani, universitaire, président d’honneur de l’AFPS,
Athéna Tsingarida, professeure à l’Université libre de Bruxelles,
Michel Tubiana, président d’honneur de la LDH,
Marie-Christine Vergiat, députée européenne,
Georges Vigarello, EHESS,
Sylviane de Wangen, comité de rédaction de Confluences Méditerranée.
Des contributions pour alimenter le débat, au sein de la gauche ou plus largement, et pour donner de l’écho à des mobilisations. Ces textes ne reflètent pas nécessairement la position de la rédaction.
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