Médias : Leur plus belle histoire d’amour, c’est lui

Presse écrite, service public, chaînes d’infos en continu : florilège d’un traitement médiatique trempé d’admiration béate.

Jean-Claude Renard  • 3 mai 2018 abonné·es
Médias : Leur plus belle histoire d’amour, c’est lui
© photo : PHILIPPE HUGUEN / AFP

En campagne, il était le candidat des médias. Élu, Emmanuel Macron est devenu le président des médias. Entre clichés, superficialité, coups de communication efficaces, mots enthousiastes et regards émerveillés. Jusqu’à parfois friser le ridicule. Fin 2017, VSD, qui dressait un bilan présidentiel au bout de seulement six mois, donnait le ton avec ses dix pages dites « intimes », nourries de photos : « Emmanuel et ­Brigitte Macron incarnent une transgression, une fraîcheur, une modernité et une liberté que le monde entier nous envie. »

À la même époque, on se souvient de ­Laurent Delahousse, sur France 2, déambulant dans l’Élysée avec le Président. Un entretien passe-plats, glamour, gavé de bons sentiments. Avec des questions d’une rare perfidie sur l’emplacement du bureau d’Emmanuel Macron, ses maigres heures de sommeil, le temps qui passe, tout en saluant « un héroïsme politique ». Konbini, site destiné aux jeunes, mêlant contenus sponsorisés et infos, ne fera pas mieux la veille de Noël dans une interview, enchaînant les questions qui fâchent : « Un message pour la jeunesse ? Votre bonne résolution pour 2018 ? » Un exercice de communication carrément partagé par la page Facebook officielle de La République en marche, comme le pointait le site Arrêt sur images.

Au Journal du dimanche, qui place très souvent le ­Président en une, on s’enflamme à l’idée de voir le couple dans ses pénates, au Touquet, avec ses habitudes au café-brasserie des Sports, commandant systématiquement « une sole sans la tête, un verre de chablis et un Perrier » ; on admire Monsieur s’adonnant au tennis, « volontaire et généreux dans l’effort », selon son coach. En matière d’images diffusées, c’est aussi gratiné. Macron au Touquet-Paris-Plage (Paris Match, Closer, Grazia) ; Macron à vélo (Paris Match, Femme actuelle, Télé Loisirs, Gala). Quand Emmanuel Macron est en visite officielle, en mars dernier, Bruno Jeudy, rédacteur en chef de Paris Match, se livre à une carte postale énamourée, n’hésitant pas à parler d’« escapade romantique » lorsque le couple présidentiel se rend au Taj Mahal, de « nouvelle idylle » avec l’Inde, de « diplomatie du “en même temps” qui fait merveille », tandis que Brigitte « promène avec classe l’élégance française, 100 % Vuitton ». À vrai dire, dans Paris Match, dont le propriétaire est Lagardère, possédant également le JDD, le lecteur y est habitué, lui qui peut lire sous la plume de Gilles Martin-Chauffier qu’avec la dernière élection présidentielle « le miracle a eu lieu ».

Superstar du mois

De L’Express à Challenges, on ne cesse de louer l’esprit libéral et europhile du ­Président, son charisme et sa modernité. Dans Le Point, quand le chef d’État est devant les euro­députés, c’est « un plaidoyer énergique ! ». Mieux même : « On se demande où cet homme qui ne dort que quelques heures par nuit va trouver cette énergie inépuisable pour défendre une nouvelle fois sa vision d’une Europe qui protège », s’exclame Emmanuel Berretta, épaté lui aussi par des heures de sommeil si rares et cette capacité hors normes à travailler. En avril, la grogne sociale est générale, des cheminots aux étudiants. Mais, pour Le Point, Macron est « la superstar du mois ». Les chaînes d’information en continu ne sont pas en reste. Pour CNews, Macron aux États-Unis, face à Donald Trump, c’est « l’arme de séduction massive ».

Sur BFM TV, aux analyses toujours orientées, Laurent Neumann, éditorialiste maison a, de son côté, décidé d’emblée « que ses réformes sont majoritairement soutenues dans l’opinion ». Pareillement éditorialiste, Anna Cabana opine du chef, dans la continuité de Ruth Elkrief, en transe de béatitude laudative à chaque apparition et intervention du locataire de l’Élysée. Il est vrai qu’il n’est pas donné à tout le monde de descendre « majestueusement » les marches du palais de Chaillot, main dans la main avec Brigitte (avant de se faire bousculer par Jean-Jacques Bourdin et Edwy Plenel, deux vilains canards manquant de respect à la fonction présidentielle).

Tout cela n’est pas sans rappeler une autre figure, celle de Nicolas Sarkozy, en campagne en 2007, jouant le cow-boy sur un cheval en Camargue, devant une charrette de journalistes en extase, comme d’autres, lors d’une université d’été, avec un Nicolas Sarkozy en posture christique face à une kyrielle de journalistes mués en apôtres. On sait comment cela s’est terminé.

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