Un roi en République

Emmanuel Macron pousse à son maximum l’autoritarisme présidentiel inscrit dans la Constitution. Jusqu’à la caricature.

Pouria Amirshahi  • 3 mai 2018 abonné·es
Un roi en République
© photo : Étienne LAURENT/POOL/AFP

C’est au Louvre qu’il fait ses premiers pas de président élu. C’est à Versailles que, devenu chef de l’État, il convoque les parlementaires pour affirmer son autorité. À Versailles, toujours, il reçoit Poutine le 29 mai 2017. Et il choisit Chambord pour mettre en scène le couple présidentiel… à l’occasion de son anniversaire.

Emmanuel Macron, qui veut redonner vie aux chasses présidentielles (autrefois « chasses royales »), a beaucoup été comparé à Valéry Giscard d’Estaing, héritier mimétique d’une aristocratie périmée. Mais l’actuel président puise plus profondément sa posture de château dans une conception du pouvoir qu’il a théorisée dès 2015 dans l’hebdomadaire Le 1. Et c’est explicite : « Dans la politique française, l’absent est la figure du roi, dont je pense fondamentalement que le peuple français n’a pas voulu la mort. » Affirmant que seuls Napoléon et De Gaulle ont « comblé ce vide », Emmanuel Macron déplore que, « le reste du temps, la démocratie française ne [remplisse] pas l’espace ». C’est dans cette dernière assertion que se comprend sans doute l’exercice du pouvoir par l’occupant du palais de l’Élysée. Tout à la déclinaison de son jupitérisme, il n’a eu de cesse de légitimer jusqu’à l’excès le présidentialisme ontologique d’une Ve République pourtant à bout de souffle.

L’exécutif continue de dominer tous les autres pouvoirs : tandis que le judiciaire est quasi subordonné au pouvoir administratif, que le législatif voit son champ de légitimité se réduire encore avec le projet de réforme des institutions (voir ici), les autres contre-pouvoirs (médiatiques et lanceurs d’alerte notamment) voient leurs marges de liberté de plus en plus contrôlées (la loi sur le secret des affaires en est une illustration, voir ici). Quand la société, dans sa marche vers l’émancipation, évolue vers une horizontalité de réseaux, Macron choisit à rebours la verticalité absolue. Quand tous les signaux montrent des institutions épuisées, lui choisit le fortifiant de l’imperium. Présidentialiste jusqu’au bout des ongles, et au risque d’aggraver la crise de la démocratie, il impose son rythme contre tous les temps de respiration, de réflexion et de débats dont a besoin la société : ordonnances, procédures accélérées au Parlement, multiplication des fronts sociaux, l’homme est aussi pressé que Sarkozy avant lui. Et le sourire du démocrate moderne aux dents qui brillent masque de moins en moins sa détermination à faire passer en force les intérêts de son socle politique initial, les très riches, au détriment de la condition sociale des salariés et des fonctionnaires – et de leur capacité à se défendre. Un roi fidèle à sa cour, en somme, et qui ne voit dans les protestations politiques et sociales de la gauche que les soubresauts du « vieux monde ».

Certes, partis, mouvements et syndicats sont divisés et fatigués ; mais le Président, élu par chance autant que par audace, est plus faible que ne le laissent croire les apparences. C’est Dominique de Villepin qui, le 18 mars à l’antenne de RTL, voyant le chef de l’État « devenir solitaire, arrogant et coupé d’un certain nombre de réalités », rappelle que celles-ci finissent toujours par frapper aux portes du pouvoir. Un roi pouvait se croire éternel. Mais un président ?

Politique
Publié dans le dossier
Macron, un an : La droite parallèle
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