Une cure de motivation pour les opposants à Europacity
Les opposants au projet de gigantesque centre commercial et de loisirs au nord de Paris se sont rassemblés le 27 mai pour défendre les terres agricoles du Triangle de Gonesse.
Sur la butte surplombant la parcelle de terre prêtée par un agriculteur, les bénévoles s’activent pour dresser leur nouveau rempart au projet de mégacomplexe Europacity. Sous le soleil brûlant et accompagnés par une fanfare, ils élèvent petit à petit leur tour de bois, conçue par un artisan métallier et ébéniste à partir de matériaux de récupération. « Ce belvédère nous permet de voir l’avenir de loin avec hauteur et intelligence », philosophe une participante tout en peignant une fine couche de peinture blanche sur la structure. Un symbole fort pour marquer cette deuxième Fête des terres de Gonesse contre l’urbanisation de ces 300 hectares, dont 80 consacrés aux boutiques, pistes de ski et parc d’attraction du projet Europacity, porté par Immochan, filiale immobilière d’Auchan, et le chinois Wanda.
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La vue à 360 degrés sur le Triangle de Gonesse (Val-d’Oise) permet de visualiser le décor de cette région au nord de Paris : les tours de la Défense, la butte Montmartre, le musée et l’aéroport du Bourget, la 2×2 voies, et des champs. Dont un où la terre a été retournée récemment. « Pour les fouilles archéologiques préventives, explique Baptiste François, architecte dans la Scop Fair (Fabrique d’architectures innovantes et responsables). Ils ont trouvé un silo de grains datant du Ve siècle avant J.-C. Cela montre que ces terres nourrissaient déjà les populations des environs. » Des vestiges qui n’ont visiblement pas été jugés importants puisque tout a déjà été rebouché.
Mais leur girafe de bois est-elle un belvédère ou une tour de guet ? Si l’émergence d’une ZAD francilienne n’est pas au programme, tout le monde a conscience qu’il faut veiller au grain, car ces terres sont toujours menacées. « Un bulldozer est déjà là, pas loin. On nous a promis une surprise pour mardi », glisse Florence, une bénévole du Collectif pour le Triangle de Gonesse (CPTG), avec un brin d’amertume. Ils savent que leur monument de bois est éphémère, mais pas leur détermination.
Malgré les menaces de l’Établissement public foncier d’Île-de-France (Epfif) proférées en mars dernier, les légumes cultivés depuis un an sur cette parcelle de terre prêtée aux opposants au projet Europacity sont toujours là. Et le potager (re)prend vie tous les dimanches. Matthew habite du côté de Montmartre mais vient une fois par mois pour jardiner. « J’ai découvert le projet et le collectif il y a deux ans par la biais de mon Amap. Et depuis septembre, je suis plus actif, j’essaye de mobiliser autour de moi car ça concerne aussi les Parisiens », déclare-t-il.
Ces derniers mois, une pluie de nouvelles plutôt optimistes a rassuré les opposants. Parmi les plus importantes, la décision du tribunal administratif de Cergy-Pontoise d’annuler l’arrêté préfectoral de création de la ZAC du Triangle de Gonesse de 300 hectares, dans laquelle Europacity devait s’intégrer. _« Pourtant il ne faut pas croire que le projet Europacity est abandonné, rappelle Bernard Loup, président du Collectif pour le Triangle de Gonesse (CPTG). L’État a décidé de faire appel de la décision, c’est un signe de soutien à ce projet du passé ! »
Pour eux, l’avenir se trouve dans le projet Carma – pour Coopération pour une ambition agricole, rurale et métropolitaine d’avenir. En bref : de l’agriculture durable, autour d’une ferme maraîchère solidaire, de jardins familiaux, des circuits de consommation courts (cantines, Amap, points de vente périurbains).
« Les élus, et parfois des militants nous demandent souvent : pourquoi ne pas réaliser le projet Carma à côté d’Europacity ? », lance Robert Spizzichino, l’un des initiateurs du projet alternatif. Les rires francs qui s’élèvent ne trompent personne : l’auditoire du jour n’a pas besoin de longs discours pour comprendre l’absurdité d’une telle réflexion. « C’est un non-sens total, poursuit-il. Il faut prendre en compte l’ensemble des nuisances créées par Europacity ! Carma est vraiment un projet de transition écologique sur plusieurs questions : la santé, le logement, l’aménagement du territoire, la biodiversité… Ils n’ont toujours rien compris ! » Pour preuve, des élus et représentants du territoire ont tenu une conférence de presse dimanche matin à la mairie de Gonesse pour réaffirmer leur soutien au projet de centre commercial et de loisirs.
« Carma nous permet de montrer que nous ne sommes pas seulement dans l’opposition : nous voulons construire quelque chose de nouveau qui montre notre capacité de faire et d’ouvrir tous les champs de vision. C’est une réponse pour les territoires agricoles et les territoires denses », décrit Baptiste François, architecte investi dans le projet avec l’association Atelier citoyen.
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Cette année, la journaliste et réalisatrice Marie-Monique Robin a accepté d’être la marraine de l’événement. Pour l’occasion, celle qui se réjouit d’avoir Monsanto et Bayer comme grands ennemis, a imaginé le Gonesse 2038 idéal, dans la continuité du scénario imaginé pour son livre _Sacré croissance ! il y a trois ans. « Ce projet de plus grand centre commercial du monde a été arrêté grâce au collectif d’opposants et le Triangle de Gonesse est devenu un haut-lieu de l’écologie, clame-t-elle. Emmanuel Macron a même renommé son mouvement : En marche vers la transition ! » Une uchronie, fondée sur la résilience et le soin, dans laquelle l’usage privé de la voiture est jugé « antisocial sauf pour les zones rurales reculées », les jardins partagés et fermes urbaines ont remplacé le béton des parkings et l’exode urbain a contraint la FNSEA a cédé des morceaux de ses immenses fermes pour satisfaire tous ces néoruraux prêts à s’activer pour garantir l’autosuffisance alimentaire. Une bouffée d’espoir pour les quelques centaines de personnes qui ont passé leur dimanche à pique-niquer, danser, bronzer et jardiner sur les terres nourricières du Triangle de Gonesse.
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