Une valeur sûre : ruiner la planète
La Russie a mis sur mer une centrale nucléaire flottante. Le comble, c’est qu’elle va alimenter des plates-formes… gazières et pétrolifères. Le tout à côté de Alaska. L’écologie globale selon Poutine…
dans l’hebdo N° 1501-1502 Acheter ce numéro
Samedi 28 avril, la Russie a mis sur mer, depuis Saint-Pétersbourg, une centrale nucléaire flottante. C’est une première, et dans le jeu des puissances confrontées à l’enjeu de l’approvisionnement énergétique, cela peut signifier un très possible engrenage. Il y en a toujours pour s’esbaudir devant l’audace technologique, il n’empêche : cette décision est d’une gravité extrême. À la demande de la Norvège, très opposée à ce projet, l’Akademik Lomonosov ne sera chargée en combustible qu’à bonne distance de ses côtes. Prochaine halte, donc : Mourmansk, avant de rejoindre, remorquée, la station de Pevek, en Sibérie orientale.
Les sources d’inquiétudes ne manquent pas, à commencer par l’expérience dramatique d’un accident de ravitaillement d’un sous-marin nucléaire en 1985, le K-431, près de Vladivostok. Selon l’ancien officier russe Alexandre Nikitine, désormais l’un des dirigeants de la fondation écologiste Bellona, les fonds marins de la baie de Tchajma sont toujours contaminés.
La centrale sera stationnée en zone d’eaux profondes, donc vulnérable aux tsunamis et cyclones. La hantise de l’accident ne semble pas émouvoir l’entreprise exploitante Rosatom, qui veut assurer tout le monde de la grande maîtrise des scientifiques, ingénieurs et techniciens russes pour parer toute éventualité. Pour un peu, elle promettrait presque qu’en cas de fuite les courants marins s’arrêteront aux frontières…
Autant dire que, dans ce dossier, ce n’est pas le principe de précaution qui l’a emporté. L’objectif de la Russie est, comble du cynisme, d’alimenter… des plateformes pétrolières et gazières ! Nulle raison de se presser pour adopter un mode écologique de développement humain, d’autant que cet « exploit » est désormais possible grâce à la fonte des glaces, due au réchauffement climatique, qui a ouvert de nouvelles voies de navigation. Toute une zone inconnue à explorer, à exploiter, à vider de ses ressources naturelles ! Le croissancisme a donc aussi son économie circulaire : le nucléaire permet d’extraire encore plus de pétrole ; le pétrole accélère le dérèglement climatique ; le dérèglement climatique fait fondre les glaces et fait ainsi apparaître de nouveaux gisements… de pétrole qu’il faut se presser d’aller extraire grâce à l’énergie… nucléaire.
Y a pas à dire, ruiner la planète reste une valeur sûre. Et, malheureusement, encore une valeur d’exemple.
Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.
Faire Un Don