Corps en résistance

Le Centre Pompidou accueille la deuxième édition de Move, manifestation stimulante au croisement de la danse, de la performance et de la vidéo.

Jérôme Provençal  • 6 juin 2018 abonné·es
Corps en résistance
© photo : Thomas Poravas

Événement dédié au mouvement de multiples formes, Move présente des performances, des projections et des installations en prise (plus ou moins) directe avec des problématiques majeures de notre temps. Ce panorama prospectif et sélectif invite d’autant plus à la découverte et au débat que l’intégralité du programme est proposée en accès libre.

L’édition 2018 réunit des œuvres qui mettent toutes en scène un (ou des) corps se confrontant aux conditions de vie et de production auxquelles chacun(e) d’entre nous doit faire face au quotidien. Création scénique de Paul Maheke, A Familiar Familial Place of Confusion (channel) allie danse, vidéo et composition sonore pour ausculter les rapports de pouvoir qui s’exercent sur le corps noir et queer. Présenté en continu durant les heures d’ouverture du centre Pompidou, Staging : Solo #2, de Maria Hassabi, est un prototype performatif caractérisé par une lenteur extrême des mouvements, qui va à l’encontre du rythme de la vie moderne, toujours plus rapide. Évoluant sur un large tapis rose vif, un(e) interprète se métamorphose de manière presque imperceptible au fil d’une longue phrase chorégraphique de deux heures, répétée en boucle.

Dans The Opening Monologue, Pedro Barateiro lit un texte poétique devant un film projeté, évoquant notamment le contexte néocolonial dans lequel nous vivons aujourd’hui. Déformée – quelque part entre l’humain et la machine – et recouverte de sons divers, sa voix génère un flux de mots qui luttent contre la puissance invasive du son et de l’image.

Avec Handle/Poignée, Liz Magic Laser propose, quant à elle, de vivre une expérience interactive très singulière, à visée politique et thérapeutique : les visiteurs sont accueillis à l’entrée du centre Pompidou par les danseurs puis guidés à travers un dispositif sophistiqué, censé à la fois mettre au jour la personnalité de chacun(e) et susciter un regard critique vis-à-vis des gestes et des codes utilisés par ceux qui dirigent le monde.

Dans le même esprit, le volet Vidéodanse réunit des films – captations de pièces ou œuvres de création – qui appréhendent la danse comme pratique de résistance. Citons en particulier Right on (1968) d’Anna Halprin, documentaire de trente minutes qui porte trace des premiers jours de répétition de Ceremony of Us, performance collective réunissant des danseurs noirs et blancs impulsée à la fin des années 1960 par Halprin, l’une des grandes dames de la danse moderne américaine, en écho au mouvement de revendication des droits civiques.

Au programme artistique s’ajoutent un séminaire (« Performer les savoirs ») et plusieurs rencontres, par exemple la rencontre entre le philosophe et critique Paul B. Preciado et le danseur et chorégraphe Volmir Cordeiro autour de « la passion d’être soi, c’est-à-dire peut-être la passion d’être un(e) autre ». Animée par Philippe Mangeot, ex-président d’Act Up-Paris, cette rencontre s’inscrit dans le cadre de l’Observatoire des passions qu’il mène au Centre Pompidou durant toute l’année 2018.

Move, du 7 au 24 juin, Centre Pompidou, Paris, 01 44 78 12 33, www.centrepompidou.fr

Spectacle vivant
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