Des paroles et des actes
Au Québec, les débats sur l’islam ont permis aux néonazis de prospérer.
dans l’hebdo N° 1509 Acheter ce numéro
Éric Ciotti, député (LR) des Alpes-Maritimes, a déclaré ce 24 juin dans le Journal du dimanche : « Il faut que la politique migratoire change radicalement de posture et rompe avec la naïveté qui a conduit, en Europe, à cette submersion migratoire qu’évoque M. Collomb. » Or, dans la même publication, Jacques Toubon, Défenseur des droits, rappelait quant à lui que cette « idée de submersion » est « fausse », car « le solde migratoire en France est nul sur la période des trente dernières années ».
Par conséquent, Éric Ciotti ment – effrontément – lorsqu’il prétend que l’Europe est submergée.
Mais ce bobard lui permet de cracher ensuite : « Nous ne pouvons plus continuer à accueillir des personnes […] qui […] ne peuvent qu’être prisonniers (1) de communautarismes dangereux. » Et de passer ainsi de la fustigation des migrant·e·s à la stigmatisation des musulman·e·s – puisque nous savons de fort longue date que c’est l’islam qui est visé, quand des gens comme lui s’attaquent au « communautarisme » (ou s’érigent, en même temps qu’ils exigent par exemple que les « racines chrétiennes » de la France soient inscrites « dans notre Constitution », en intraitables défenseurs de « la laïcité »).
Depuis des années, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) (2) déplore cette « libération », dans l’espace public, de « discours qui étaient autrefois cantonnés à l’extrême droite », s’inquiète de « l’impact que peuvent avoir » ces « discours politiques ou certains débats nationaux sur l’attitude de quelques-uns de nos concitoyens vis-à-vis de la population musulmane », et redoute que la banalisation de ces logorrhées ne contribue à « une augmentation réellement significative des comportements antimusulmans ».
Et, de fait, ces « comportements » deviennent de plus en plus problématiques – disons comme ça pour aller vite.
Au Québec, par exemple, et comme le narrait la semaine dernière un passionnant papier du Monde (3), « les débats sur l’islam et la laïcité ont permis aux néonazis de prospérer ». Cependant qu’en France un groupuscule néofasciste, dont plusieurs membres viennent d’être interpellés, projetait de « s’en prendre à des musulmans » et de s’attaquer notamment à « des femmes voilées, choisies au hasard dans la rue (4) ».
Ne pas s’y tromper, cependant : la droite, fût-elle spécialement râpeuse – comme quand elle s’incarne dans un Éric Ciotti –, n’est pas seule responsable du climat détestable où ces islamophobes fanatiques puisent peut-être un supplément d’assurance. Et, en vérité, il serait peut-être temps que certain·e·s, à gauche aussi, se décident enfin à réfléchir aux possibles effets de leurs si progressistes contributions à l’entretien, dans l’époque, d’anxiétés antimusulmanes permanentes.
(1) Sic.
(2) Qui pourrait peut-être, soit dit en passant, et sauf son respect, se décider enfin à changer cette appellation : Commission nationale consultative des droits humains sonnerait tellement mieux.
(3) Le Monde, 21 juin.
(4) Le Monde, 25 juin.
Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.