« Filles du feu » : Femmes en guerre
Dans Filles du feu, Stéphane Breton montre les combattantes kurdes avec justesse, sans lyrisme.
dans l’hebdo N° 1507 Acheter ce numéro
On a fait d’elles des icônes. Des pasionarias pour magazines au papier glacé : ce sont les combattantes kurdes. À Cannes, on les a vues en héroïnes d’un film (en compétition), Les Filles du soleil (à ne pas confondre avec Filles du feu), d’Eva Husson, à l’intrigue mièvre et dépolitisée, c’est-à-dire indécente. Stéphane Breton, en documentariste responsable, pose un tout autre regard sur ces femmes. Il ne les a pas filmées au front. Comme il le précise dans le dossier de presse, les Kurdes ne le lui auraient pas permis : trop dangereux. Il ne s’est pas non plus livré auprès d’elles à une enquête sur leur quotidien, sur ce qui les a poussées à s’engager, sur leur vie d’avant…
Stéphane Breton montre ces femmes dans cette zone grise de la guerre où l’on occupe une position, où l’on surveille les mouvements de l’ennemi, où l’on attend le jour du combat. Habillées de leur uniforme et la tête ceinte de l’écharpe traditionnelle, elles gardent, certes, toute leur féminité. Quand un rayon de lumière se pose sur leur visage, on est touché par la délicatesse de leurs traits, alors qu’elles affrontent des situations terriblement éprouvantes. Mais là n’est pas l’essentiel. Ce qui frappe surtout, c’est la communauté qu’elles forment avec les hommes soldats, dont elles partagent les conditions de vie. Tout est fait à égalité : la préparation du thé, les tours de guet ou les missions de reconnaissance. Une armée est forcément hiérarchisée, mais ici pas de supériorité « naturelle » des hommes sur les femmes. Et les femmes sont autant cheffes que les autres. Comme en témoigne la dernière séquence, où une jeune commandante organise la montée prochaine au feu. Le générique de fin précise qu’elle a été tuée le 25 avril 2017. La précarité du destin des combattant·e·s est aussi partagée…
Ce que l’on voit de la Syrie, ce sont les collines où les Kurdes se postent, ou des ruines. Kobané, en particulier, libéré par les Kurdes, est un champ d’éboulis où quelques parties d’habitats tiennent encore. Une des combattantes inspecte les restes d’un immeuble qu’elle tenait avec des camarades, dont beaucoup sont morts sous les balles de Daech. Elle-même y a été blessée et a pu être évacuée par miracle. Elle est la seule à parler longuement, de profil, se remémorant cet épisode tragique. Elle dit : « Pour nous, cet immeuble est rempli d’histoire. C’était la guerre, […] les combats, la mort, la douleur. Mais aussi l’amitié, de bons moments. Personne n’a lâché prise. » Le courage de ces « filles du feu » n’a rien d’ostentatoire parce que leur idéal est immense.
Filles du feu, Stéphane Breton, 1 h 20.