Guillaume Meurice : Itinéraire d’un naufragé volontaire
Avec Cosme, Guillaume Meurice dresse le portrait tendre d’un rimbaldien insolent.
dans l’hebdo N° 1506 Acheter ce numéro
A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles/Je dirai quelque jour vos naissances latentes/A, noir corset velu des mouches éclatantes/Qui bombinent autour des puanteurs cruelles »… C’est peu dire que ces vers du poème énigmatique de Rimbaud taraudent depuis plus d’un siècle (le 5 octobre 1883 exactement) lettrés, thésards, scientifiques, linguistes, illuminés notoires et chercheurs illustres. Toujours s’enfonçant dans la mistoufle des abîmes de perplexité. Combien de théories échafaudées aussi pour donner un sens à ce coloriage de mots ? Il revient à Cosme Olvera de trouver les clés de ce cryptage. Qui donc ? Cosme. Qui ne vient pas du sérail, lui-même inscrit dans le processus de création (ceci expliquant peut-être cela), passionné par le verbe, parce qu’il sauve des embrouilles, caressant le sonnet, amateur de parties d’échecs étirées jusqu’au bout de la nuit.
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Né à Bayonne, fils d’immigrés espagnols chez qui « les fins de mois débutent relativement tôt », Cosme est un garçon qui a tôt pigé « la violence sociale, l’exclusion ». D’abord jeune branleur et footeux, « apprenti insolent », puis fière et braillarde petite frappe, grand seigneur et paumé, écumant la banlieue, avec ses cent métiers, cent misères, l’intérim et le toutim. Brillant autodidacte, fin lecteur, nourri des Rois maudits, de Conan Doyle, de García Márquez, de Michaux, et de Lautréamont, l’intelligence pure accrochée aux basques, celle qui permet un coup d’avance.
Pour son premier récit, Guillaume Meurice évite le travers du texte autobiographique pour retracer un itinéraire, dessiner un portrait, tourner son regard vers l’autre. Peu importe que l’histoire soit vraie. Elle se déploie dans l’âpre réel. Et l’on retrouve dans ce récit initiatique, remarquable déambulation dans la banlieue parisienne désargentée, quelques marottes de l’humoriste et chroniqueur à France Inter. À commencer par la tendresse qui se dégage pour un personnage s’affranchissant de toute rentabilité dans l’existence (quoi de moins lucratif que le sonnet ?), retors à l’autorité et au mépris de classe, refusant toute idée de promotion sociale, « naufragé volontaire », préférant la guenille et la savate au costume, « l’insalubre pour l’inconnu ». Portrait flatteur d’un « technicien de surfaces poétiques », tout en évitant de tomber dans la béatitude de l’admiration. En y ajoutant, outre des poèmes de Cosme Olvera, un style au cordeau : une phrase régulièrement cassée, souvent nominale, un goût pour l’ironie et le contre-pied. In fine, sans concession.
Cosme, Guillaume Meurice, Flammarion, 332 p., 19,90 euros.