L’Argentine ouvre de nouveau la porte au FMI qui plongea le pays dans la crise de 2001
De nouveau, l’Argentine s’adresse au FMI et se soumet à ses conditions. Cela signifie, une fois de plus, l’approfondissement des politiques néolibérales du gouvernement au détriment de la population.
Malgré l’histoire tumultueuse du Fonds monétaire international dans ce pays d’Amérique du Sud, l’Argentine a de nouveau appuyé sur le « bouton du FMI ». Il y a dix-sept ans, le FMI avait entraîné l’Argentine dans la plus grande crise de son histoire récente, provoquant la chute de quatre présidents en une semaine. Par la suite, en janvier 2006, l’Argentine claquait la porte du FMI en remboursant jusqu’au dernier dollars sa dette, largement illégitime, envers l’institution de Washington : 9,6 milliards de dollars. Le gouvernement de Mauricio Macri vient de lui rouvrir la porte, laissant s’installer à nouveau une relation servile avec le créancier le plus influent de la planète.
Cette fois, l’accord surpasse celui de la Grèce, qui a reçu 30 milliards d’euros de cet organisme en 2010. C’était alors le montant record accordé par l’institution tout au long de son histoire, bien que la somme des « sauvetages » grecs, avec la participation du FMI, soit beaucoup plus élevée. De nombreux observateurs ont ensuite cité l’expérience argentine de 2001 comme référence pour comprendre les conséquences de ces plans, préjudiciables à la vie quotidienne du peuple grec…
Le FMI endette l’Argentine pour contrôler son économie
Le 7 juin 2018 sera marqué au fer rouge sur la peau de l’histoire Argentine. Ce jour-là, le gouvernement de Mauricio Macri et le FMI ont signé un accord triennal d’une valeur de 50 milliards de dollars (42,4 milliards d’euros, soit environ 1 110 % de la quote-part de l’Argentine), dont un premier décaissement de 15 milliards de dollars (12,7 milliards d’euros, soit 30 % du total) a été octroyé le 20 juin. En outre, cette enveloppe de 50 milliards de dollars du Fonds, soit près de 10 % du PIB du pays, doit être complétée par des prêts d’autres organisations internationales pour un montant total de 5,65 milliards de dollars (4,799 milliards d’euros) au cours des douze prochains mois : de la Banque interaméricaine de développement (BID) pour 2,5 milliards de dollars, de la Banque mondiale pour 1,75 milliard de dollars et de la Banque latino-américaine de développement (CAF) pour 1,4 milliard de dollars. Un total de 55,65 milliards de dollars de nouvelle dette publique pour l’Argentine s’ajoute aux 320 milliards de dollars de dette publique enregistrés à la fin 2017. Ainsi, grâce au FMI et aux autres créanciers, la dette publique devrait dépasser 375 milliards de dollars et passer de 57 % du PIB à environ 67 % du PIB.
Rappelons également qu’en plus de cette nouvelle dette qui n’a pas été approuvée par le peuple et qui ne lui profitera pas, l’Argentine continue de payer une dette odieuse héritée de la dictature, une dette qui, selon les concepts juridiques en vigueur, devrait être annulée immédiatement et sans condition.
Une feuille de route marquée par l’ajustement structurel qui a conduit de nombreux peuples aux fameuses émeutes de la faim, également appelées « émeutes FMI »
Les prêts stand-by du FMI qui sont octroyés à l’Argentine sont associés à une série de mesures de politique économique. Dans ce cas, en échange du macro-prêt, comme ce fut le cas en 2001, le FMI exige une réduction du déficit jusqu’à ce que l’équilibre soit atteint, cette fois l’objectif est fixé pour 2020. En d’autres termes, le gouvernement Macri doit atteindre un objectif d’un déficit de 2,7 % du PIB en 2018 avant le remboursement de la dette. Il chuterait alors fortement à 1,3 % en 2019 et à 0 % en 2020, pour atteindre un excédent de 0,5 % en 2021.
L’Argentine devra également limiter l’inflation à 17 % l’an prochain, à 13 % d’ici 2020 et à seulement 9 % d’ici 2021. Ce scénario est peu crédible dans un pays où l’inflation annuelle est supérieure à 20 % depuis vingt ans, d’autant plus que l’agence de notation Fitch prévoit que le taux d’inflation atteindra 27,5 % à la fin de l’année en raison de la dépréciation du peso, érodant ainsi les salaires déjà maltraités. En fait, avec une inflation record de près de 20 % par année, de nombreux retraités ont du mal à joindre les deux bouts et les travailleurs voient leur pouvoir d’achat diminuer.
En bref, l’accord du FMI est censé réduire le déficit budgétaire à zéro en 2020 et l’inflation à 9 % en 2021, alors que le gouvernement de Mauricio Macri augmente la dette à des niveaux astronomiques pour la population. À court terme, son remboursement coûtera au peuple argentin un lourd fardeau d’austérité, le poussant vers une pauvreté galopante. De nouvelles « émeutes FMI » sont-elles à prévoir dans un contexte de crise, un scénario déjà célèbre et qui a entraîné morts et famines ?
Le prix de l’argent du FMI
Pour atteindre ces objectifs, au lieu de suspendre le paiement de la dette pour l’auditer sous contrôle citoyen ou augmenter les impôts sur les bénéfices des grandes entreprises comme un gouvernement attentif aux besoins de sa population pourrait le proposer, Macri préfère réduire les dépenses publiques. Et pour couronner le tout, son gouvernement vient de brandir son veto à une loi de l’opposition qui limite l’augmentation des prix des services publics connue sous l’appellation « tarifazo ».
La directrice du FMI, Christine Lagarde, après avoir félicité « les autorités argentines d’être parvenues à cet accord », a conclu : « Je crois que les réformes en Argentine méritent le soutien du FMI et de la communauté internationale ». Mais avant d’être soutenus par le FMI et la communauté internationale, Lagarde et Macri devront convaincre le peuple argentin qui, selon un sondage réalisé juste avant l’accord par le Centro de Estudios de Opinión Pública pour le journal argentin Página 12, révèle que pas moins de 74 % (sur les 1 200 personnes interrogées dans tout le pays) estimaient qu’un éventuel accord du FMI serait préjudiciable.
La « Lettre d’intention » adressée au FMI, signée par le ministre des Finances Nicolas Dujovne et Federico Sturzenegger qui vient de démissionner de son poste de président de la Banque centrale, souligne « ne pas renouveler les postes non prioritaires », « geler les nouveaux recrutements au sein du gouvernement national pendant deux ans » et éliminer les « postes redondants ». Une formule sacrée, typique du FMI, pour parvenir à « une baisse des dépenses de personnel de 3,2 % du PIB en 2017 à 2,7 % à la fin du programme ». En d’autres termes, un retour au FMI signifie davantage de licenciements de fonctionnaires et une nouvelle baisse du pouvoir d’achat.
Addiction à la dette perpétuelle
Déjà en 2016, le gouvernement Macri était devenu encore plus attrayant pour les financiers spéculatifs lorsqu’il avait endetté le pays afin de payer 9,3 milliards de dollars à des fonds vautours qui n’avaient pas accepté la restructuration de sa dette. Parmi les bénéficiaires, NML Capital de Paul Singer, leader de l’offensive judiciaire contre l’Argentine devant les tribunaux américains, qui a pu ainsi récupérer 2,4 milliards de dollars, le plus gros montant, pour des obligations achetées pour seulement… 177 millions.
Puis, accro à la dette perpétuelle, l’Argentine de Macri a émis en juin 2017, pour la première fois dans l’histoire du pays, une dette à rembourser sur 100 ans : 2,75 milliards de dollars avec un taux d’intérêt annuel de 7,9 %. Tant le FMI, qui a conduit à une crise sociale majeure en Grèce avec ses recettes d’endettement appelés « sauvetages », que Macri sont désormais politiquement responsables de ce qui se passera en Argentine dans les mois à venir.
Le peuple jordanien, qui vient de chasser son gouvernement et les lois imposées par le FMI, montre la seule voie qui reste au peuple argentin face à une institution autiste et totalement antidémocratique.
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