Les collectivités dans la nasse du privé
En imposant aux mairies, aux départements et aux régions une limitation des dépenses, le gouvernement les pousse à déléguer les services publics.
dans l’hebdo N° 1509 Acheter ce numéro
Les difficultés budgétaires des collectivités locales font le bonheur des sociétés délégataires de services publics, aux premiers rangs desquelles plusieurs figures du CAC 40 (Vinci, Veolia, Suez, Bouygues, Eiffage…). C’est vers elles que se tournent les municipalités, structures intercommunales, départements ou régions qui ne peuvent offrir à leurs administrés un service ou un équipement sans grever leur budget. Une tendance que la politique du gouvernement va encore accentuer.
Après deux quinquennats de baisse autoritaire des dotations de l’État, ce dernier, tout à sa volonté de réduire la dépense publique, veut inciter les 322 collectivités les plus importantes – celles dont les dépenses de fonctionnement dépassent 60 millions d’euros – à s’engager par contrat d’ici au 30 juin à limiter à 1,2 % (inflation comprise) l’augmentation annuelle de leurs dépenses de fonctionnement, sous peine de lourdes sanctions financières. En échange de quoi les « bons élèves » pourraient – cela dépendra des préfets – obtenir une majoration du taux de subvention des projets financés par la dotation de subvention à l’investissement local.
Un marché de dupes rejeté par nombre de mairies à direction communiste, qui dénoncent un diktat de l’État et une remise en cause du principe constitutionnel de libre administration des collectivités locales. « Concrètement, cela veut dire que Tremblay n’aurait plus la liberté d’engager les dépenses qu’elle juge utile au bien-être des Tremblaysiens, quand bien même elle disposerait des ressources nécessaires ! », s’insurge François Asensi, maire (Front de gauche) de cette commune de Seine-Saint-Denis. 77 % des présidents de conseil départemental, réunis en assemblée générale le 20 juin, ont également réaffirmé leur opposition à ces « pactes financiers » perçus comme des « lettres de cadrages » intenables. Le même jour, les présidents de régions annonçaient ne pas vouloir signer un texte « diabolique et humiliant ».
Pour rester dans l’épure du 1,2 % imposé par l’État, les collectivités signataires n’auront vite d’autre choix, si elles veulent maintenir leurs services publics ou en développer (cantine, crèche, école, établissement culturel, installation sportive…), que de faire appel à des concessionnaires privés qui se rémunéreront sur l’exploitation du service. Il n’est pas interdit de penser que le développement de ces marchés très lucratifs est un des objectifs cachés du gouvernement.