Mort de David Goldblatt : la photographie en deuil
Le plus important photographe sud-africain s’est éteint lundi 25 juin. Il était le subtil témoin d’une histoire nationale.
dans l’hebdo N° 1509 Acheter ce numéro
C’est peu dire qu’il représentait l’histoire de la photographie sud-africaine à lui seul. David Goldblatt est mort lundi 25 juin, à l’âge de 87 ans, à Johannesburg, laissant une œuvre orpheline, principalement articulée autour de l’apartheid, des fractures sociales, des divisions, des injustices, concentrée sur la complexité des relations humaines.
Né en 1930 au sein d’une famille d’émigrés lituaniens, à Randfontein, dans une région minière de l’Afrique du Sud. D’abord employé par la boutique familiale, à vendre des fringues, David Goldblatt a commencé la photographie par la mode et la publicité (pour croûter), puis la presse, avant d’entamer un travail personnel sur la société sud-africaine. Les Afrikaners d’abord, les townships ensuite (à Soweto), en noir et blanc, plus tard en couleur.
Des photographies qui font récit
Toute une œuvre à voir comme une analyse de la structure sociale et culturelle de son pays, même lorsqu’il cadre paysages après paysages, une mère et son enfant au croisement d’un terrain vague, dans l’encolure d’un township, une bâtisse esseulée dans une plaine verte, la construction de nouvelles baraques, des chaussures à l’étal et une cabine d’essayage, le visage d’une vieille dame, le buste d’un homme allongé, un cordonnier de fortune, installé derrière un grillage, une vendeuse noire derrière le comptoir de son épicerie, où se déclinent, façon Warhol, les boîtes de beans slices et de sardines, un cimetière de voitures, terrain de jeu pour des gosses noirs, un arrêt de bus devant une boutique, avec son banc sur lequel est écrit « Blancs uniquement »…
Des photographies qui font récit. Et toujours au pur de l’épure, marque de fabrique du photographe, où la confrontation se joue entre les pleins et les vides, les volumes et les couleurs, monochromes ou contrastées. Goldblatt, ou la synecdoque de l’apartheid (la partie pour le tout), pour rendre compte d’un pays meurtri, morcelé. « Lorsque j’ai décidé de devenir photographe, avait-il confié, c’était pour moi une manière d’être politiquement actif. »
En 1989, il avait créé une école de la photographie (le Market Photo Workshop), avant d’être reconnu, exposé partout dans le monde, de New York à Paris, quand l’Afrique du Sud est enfin sortie de l’apartheid. Il n’aura jamais cessé de photographier son pays, fidèle à son appareil photo, fidèle à son engagement contre l’injustice.
Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.
Faire Un Don