Nicolas Moreaux : Voyage en pérennité

En ces temps de crispation, la musique de ce contrebassiste surdoué rassérène, avec une douceur efficiente, une vigueur élémentaire. Far Horizons, enregistré avec un sextet unanimement investi dans chaque repli de ce répertoire original, propulse l’auditeur sur des terres magnétiques. Que l’on connaisse ou non les références de Nicolas Moreaux, il se dégage de sa musique une invitation familière au partage des sens, à la contemplation sincère, lucide et sensible.

À l’écoute des neuf compositions de Far Horizons émerge le sentiment que l’on est face à un réservoir inépuisable d’émotions partagées, bien loin de l’idée même de performance. L’habileté technique des musiciens n’est qu’un moyen pour aller vers une entente parfaite, où chacun prend ou plutôt trouve sa place, avec l’évidence des moments heureux. La combinaison des voix est un terrain où Moreaux excelle. Le choix des instruments qui composent son sextet s’impose d’emblée : deux batteries, avec le coloriste Karl Jannuska et l’onirique Antoine Paganotti, deux saxophones, l’incandescent Olivier Bogé à l’alto et l’hypersensible Christophe Panzani au ténor, une guitare, entre les mains de l’impeccable Pierre Perchaud, sans oublier les apparitions pianistiques de Bogé qui porte à merveille sa double casquette. Une cohérence immédiate se dégage de l’écriture du contrebassiste, incarnée par des musiciens d’exception qui l’entouraient déjà sur son précédent disque (Fall Somewhere, grand prix du disque de l’académie Charles-Cros en 2013). Le camaïeu de bleus des cyanotypes (1) qui illustrent la pochette et le livret s’impose comme un prolongement du champ sonore et mélodique de Far Horizons. Au seuil de l’été 2018, Nicolas Moreaux et ses complices poursuivent leur remarquable trajectoire avec cette invitation musicale à la pérennité.

(1) L’un des procédés les plus anciens d’impression photographique.

Far Horizons, Jazz&People/Pias. En concert les 22 et 23 juin au Sunset, Paris.