Benalla : La faillite d’un système
Il n’est pas difficile d’établir un lien entre ce que nous dit l’affaire Benalla et la façon dont le président de la République a mené ses fameuses « réformes ».
dans l’hebdo N° 1513-1515 Acheter ce numéro
À en croire les premiers échos venus de l’Élysée, l’affaire Benalla, qui nous occupe en cette toute fin de mois de juillet, serait la conséquence d’un malheureux « dysfonctionnement » des services de l’État. Cette histoire de garde du corps présidentiel qui se fait passer pour un policier pour aller tabasser des jeunes gens en marge de la manifestation du 1er Mai, ce serait une simple bavure administrative. Or, nous sommes sans doute beaucoup à penser tout le contraire : il ne s’agit pas de dysfonctionnement mais, hélas, de « fonctionnement ». Il ne s’agit pas – ou pas seulement – d’une faute commise par un directeur de cabinet élyséen qui a voulu plaire à son patron, ni de la folie d’un aventurier qui aurait réussi à tromper son monde. Non, Alexandre Benalla fait pleinement partie du système Macron. Il en est le révélateur. Adoubé par le président de la République, il a fini par se croire tout permis, parce que jusqu’ici, en effet, tout lui a été permis. Il ne lui serait d’ailleurs rien arrivé de fâcheux si quelques photographes amateurs armés de leur téléphone mobile n’étaient pas passés par là, et si la presse n’avait pas sorti l’affaire. Puisque, nous le savons tous, entre le 1er mai, jour des faits, et le 18 juillet, jour de parution de l’article du Monde, il ne s’est à peu près rien passé pour lui, sinon un simulacre de sanction. Non, cette affaire n’est pas un accident mais l’illustration d’un système. Celui d’un président de la République parvenu au pouvoir par un incroyable concours de circonstances, soutenu certes par les forces de l’argent, et une grande partie des médias, mais sans mouvement politique structuré, et sans tradition.
À nos lecteurs
Comme chaque année, notre équipe prend quelque repos. Nous vous offrons pour ce mois d’août un dossier exceptionnel à la fois bucolique, écologique et politique. Bonnes vacances à toutes et à tous.
Et rendez-vous le 30 août pour notre prochain numéro.
Un système politique dans lequel les prébendes sont distribuées par un patron qui ne se connaît pas de contradicteurs. Il n’est pas difficile d’établir un lien entre ce que nous dit l’affaire Benalla et la façon dont le président de la République a mené ses fameuses « réformes », négligeant les syndicats, pour imposer au pays des transformations sociales aussi brutales qu’irréversibles. Il faut dire aussi que le système Macron s’emboîte parfaitement dans les institutions de la Ve République. Des prébendes, et des systèmes parallèles, de Gaulle et Mitterrand – pour ne citer qu’eux – en ont usé. Mais la société était autrement plus stable, et la légitimité du chef de l’État enracinée dans l’histoire. « Le monopole de la violence légitime » qui, selon Max Weber, définit tout pouvoir, reposait sur une tout autre légitimité. Le système Macron n’est pas « parallèle », il est le système. Le jeune Président aimerait étendre cette table rase administrative, qui visiblement règne à l’Élysée, à tout notre paysage politique. C’est bien pour cela que, depuis un an, les syndicats sont méprisés, et les parlementaires tout autant. C’est cela que le chef de l’État paye avec l’affaire Benalla.
Les oppositions peuvent enfin faire leur travail. Et elles ne s’en privent pas ! Le 23 juillet, les députés membres de la commission d’enquête ont poussé dans leurs retranchements Gérard Collomb et le préfet de police de Paris, Michel Delpuech, lesquels ont joué médiocrement la même partition : on ne savait rien, c’est à l’Élysée que tout s’est décidé. Les caves se rebiffent. Comme se sont vengés les fonctionnaires de police qui ont contribué à identifier Benalla sous le casque du CRS. On ne sait pas comment Emmanuel Macron va se tirer de ce mauvais pas. Après une seule petite semaine de révélations quotidiennes, est-on au bout de nos surprises ? Benalla est-il un homme seul, un opportuniste qui a compris que le pouvoir personnel pouvait être finalement la faiblesse de Macron ? Machiavel conseillait déjà au Prince de se méfier des mercenaires. Ou bien est-il la partie émergée d’un système de police libre de toute hiérarchie, comme le laisse supposer l’implication de deux ou trois acolytes ? Quoi qu’il en soit, cette affaire constituera à n’en pas douter un tournant dans le quinquennat. Macron y laissera une bonne part d’une légitimité déjà bien entamée.
Une analyse au cordeau, et toujours pédagogique, des grandes questions internationales et politiques qui font l’actualité.
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