Le football, en pleine lucarne

La télévision, presque toutes chaînes confondues, a inondé de bleu-blanc-rouge la journée du 15 juillet.

Jean-Claude Renard  • 18 juillet 2018 abonné·es
Le football, en pleine lucarne
© photo : Au stade Chaban-Delmas de Bordeaux, le 15 juillet.CRÉDIT : MEHDI FEDOUACH/AFP

La France a été l’objet de vastes rassemblements pour suivre la finale de la Coupe du monde. Qu’on en juge : pas loin de 250 fan-zones dressées dans l’Hexagone. À Paris, 90 000 personnes se sont entassées sur le Champ-de-Mars, face à la tour Eiffel. À Lyon, c’était sur la place Bellecour, au parc Chanot à Marseille. Mais encore à Limoges, Vendôme, Perpignan, Annecy, Trélazé, Besançon, Rouen et Reims… Sans compter les rassemblements privés devant un écran géant dans les campings ou entre amis, en famille et dans les cafés. C’est exactement cela que les chaînes ont livré à l’image toute cette journée du 15 juillet, dès 8 heures le matin, et non stop, entretenant la tension dramatique jusqu’au coup d’envoi du match.

D’emblée, les télés ont souligné les convergences des supporters, toutes origines confondues, Lensois, Strasbourgeois, Marseillais, Parisiens. Soit une nation unie et des Français au diapason des joueurs, « solidaires, altruistes ». Loin de la fin des matchs de poule, après France-Danemark, où les Bleus n’avaient pas vraiment soulevé l’enthousiasme des supporters. Cette fois, en bas de l’écran, les bandeaux sont immuables : « Fiers d’être Bleus » ou « Les Français tous derrière les Bleus ». Allégresse et optimisme à tous les étages. BFMTV égrène les marchés dominicaux, interpelle le terroir, aligne des reportages sur les Français expatriés, déniche même une femme franco-croate qui se refuse à toute préférence. Partout on chante son bonheur, avant même les résultats. « L’émotion, c’est l’oxygène du lien », dit un psychologue sur BFMTV, au milieu d’un défilé permanent d’experts, d’anciens joueurs et entraîneurs venus confier leur « vécu ». Pour celui qui supporte mal l’hymne national, cette journée est difficile, elle sera longue. Itou pour ceux qui ne goûtent guère le drapeau tricolore. Parce que le bleu-blanc-rouge gave l’écran. Par politesse sans doute, on s’enquiert un peu des supporters croates, à Split et à Zagreb.

À côté d’une allégresse à peine contrariée par quelques voix en studio méfiantes à l’égard d’une équipe croate technique, élégante et « increvable », on se garde bien de toute référence au « black-blanc-beur » d’il y a vingt ans, de saluer une équipe de France multiethnique. Les Français sont à l’unisson, et c’est tout. La seule comparaison avec 1998 est sportive : ce sont les défenseurs français qui marquent et non pas les attaquants. Après match, forcément, la joie se décuple encore. Aux frontons des mairies, on claironne une nouvelle République – « Liberté, Égalité, Mbappé ! » –, tandis qu’Emmanuel Macron, sans la moindre retenue protocolaire, entame déjà sa récupération, entre victoire républicaine et victoire sociale, et s’invite dans les vestiaires.

Rare bémol dans ce concert de liesse, celui émis par Vikash Dhorasoo au micro de France Inter : « On prend les meilleurs et on les fait gagner, c’est bien, mais on oublie les autres ! » Pour l’ancien joueur international, on assiste même à une régression liée à la ligne dure de la politique menée à l’égard des migrants. « Cette équipe de France a une belle couleur, mais on ne voit cette couleur que dans le football, on ne la voit pas ailleurs. »

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