« Les gens sont piégés par le discours de Macron »
Alors qu’Emmanuel Macron s’adressait au Congrès réuni à sa demande à Versailles, les associations DAL, Attac, Apeis et la CGT chômeurs se sont rassemblées ce lundi après-midi pour écouter le discours et en dénoncer le contenu.
Il est 15 heures, un siège, sur lequel une photo de la tête du président de la République est accolée, trône dans un coin de la place de la République. En fond, une bannière affiche certains propos chocs tenus par Emmanuel Macron durant sa première année de mandat, à propos des pauvres et des mal logés. Aux pieds du « trône de Manu Ier » se trouve une petite piscine gonflable, dans laquelle des assiettes dorées en carton flottent. Sur chacune d’elle, il est inscrit « un pognon de dingue » en références aux propos sur les aides sociales tenus dernièrement par le Président. Comme dans une fontaine, on y a jeté des pièces : des pièces d’un centime pour ironiser et dénoncer la politique menée par le « Président des riches ».
« C’est d’un vide absolu », commente très vite Annie Pourre, figure de proue de l’association Droit au logement (DAL). « Il n’est pas si à l’aise que ça, il paraît moins arrogant que d’habitude » analyse-t-elle en écho aux premiers mots du Président : « Je sais que je ne peux pas tout, je sais que je ne réussis pas tout. » Autour d’elle, une quarantaine de personnes sont rassemblées pour écouter et réagir en direct au discours devant le Congrès d’Emmanuel Macron. Tous répondent, à l’appel de plusieurs associations – Attac, le DAL, l’Association pour l’emploi, l’information et la solidarité des chômeurs et des travailleurs précaires (Apeis)… – et du syndicat CGT chômeurs. La mobilisation, intitulée « Manu 1er, arrête ton baratin ! », en dit long sur la colère des gens présents, qui huent le Président dès ses premiers mots.
Une foule non convaincue
L’assemblée réagit vivement lorsque le Président évoque les « inégalités de conditions » et martèle son indignation face à leur ampleur dans la société française. « Ah ! » s’expriment plusieurs personnes dans la foule, tandis que des huées se font entendre. « Quel hypocrite, il favorise les uns et défavorise les autres », commente Jean-Baptiste Eyraud, porte-parole du DAL – plus connu sous le surnom de Babar. Un homme d’une soixantaine d’année au chapeau de paille s’insurge à ces propos d’Emmanuel Macron :
C’est du baratin, la méritocratie ! C’est la réussite de quelques-uns, des premiers de cordés. La sélection d’abord !
Un élan de colère gagne la foule, lorsque le Président évoque la pauvreté, « contre laquelle il n’a rien fait depuis un an », fustige Babar.
« C’est une messe, pas un discours », estime Camille, venue témoigner son soutien au DAL et à Attac. « Les gens tombent comme des mouches c’est très douloureux à écouter cette belle brochette de mensonges », ajoute-t-elle pour expliquer les mines grises. Durant le dernier tiers du long discours d’une heure trente, où il évoque la politique sécuritaire, l’islam, le terrorisme et l’Europe, l’apathie a gagné la foule. « Le ton : « je », « il faut que », c’est insupportable », confie une dame d’un cinquantaine d’année à son amie. Qui rétorque : « Ça fait peur les applaudissements au Congrès, il n’est pas tout seul à penser tout ça ! »
Un discours habile mais pas trompeur
Malika Zediri, vice-présidente de l’association Apeis, prend la parole après l’allocution. Elle évoque un « discours fleuve qui pointe quelques vraies questions mais n’en donnent pas les réponses ». Pour elle comme les autres représentants des associations, ce discours est symptomatique de l’élitisme macronien. « Il s’adresse à ceux qui sont déjà riches et veut casser tout le système de protection sociale ! Et puis, entre les lignes, il est expliqué que si l’on est au chômage, c’est de notre faute ou parce qu’on n’a pas de talent », résume-t-elle à la foule. Le jeune représentant de la CGT chômeurs, évoque, lui, « une propagande qui cache la réalité sur la précarité et le chômage, qui détourne la colère ». Un à un, ils fustigent les choix politiques d’austérité et les coupes successives des aides sociales par le gouvernement.
« Plus que méprisant, Emmanuel Macron est un vrai stratège. Il est rusé et adapte son vocable. Quand il parle de simplification du système social, derrière cela veut dire « réduction de postes », « baisse des dépenses » ! », estime Annie. Un constat que partage Dominique Plihon, porte-parole d’Attac depuis 2013 et économiste. « Nous sommes inquiets car ce discours habile est d’une hypocrisie totale. Par exemple, sur l’allocation chômage universelle, qui serait contre ? Derrière, ce sont pourtant les autres chômeurs qui vont voir leurs ressources diminuer, puisque le budget n’augmente pas », explique-t-il.
Les mobilisés appellent désormais à la convergence des luttes. « La solution c’est l’organisation collective et la solidarité : notre vertu c’est notre révolte ancrée », déclare Didier Aubier, de Solidaires. Pour Dominique Pilhon d’Attac, « il y a un travail d’explication car beaucoup de gens sont piégés par le discours. Il faut faire basculer l’opinion publique, contre une politique des plus riches, contre tout ce que Macron représente ».
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