« Paranoïa », de Steven Soderbergh : Soins maniaques
Avec Paranoïa, Steven Soderbergh signe un film de genre d’une remarquable intensité.
dans l’hebdo N° 1511 Acheter ce numéro
Après avoir annoncé (en 2013) qu’il arrêtait le cinéma, Steven Soderbergh ne cesse de tourner depuis deux ans. Voici Paranoïa, film de genre dont l’une des caractéristiques est d’avoir été tourné avec un smartphone (le dossier de presse n’hésite pas à louer les produits de la marque à la pomme). Ce qui donne une image assez laide à laquelle, finalement, l’œil s’habitue. Mais, pour le réalisateur, cela signifie d’abord un tournage à équipe légère, loin de la lourdeur des studios d’Hollywood, déjà abandonnés avec Logan Lucky (2017), qui a marqué son retour au cinéma.
Soderbergh se défie des habitudes et des schémas tout faits. Chaque film est désormais l’occasion pour lui d’emprunter une voie singulière. Comme son titre le laisse entendre, Paranoïa a pour sujet la folie. Une jeune femme, Sawyer (Claire Foy), s’est exilée loin de sa région natale, où elle était persécutée par un homme. Alors qu’elle y cherche simplement un peu d’assistance, elle se trouve enfermée contre son gré dans un hôpital psychiatrique.
Trois axes au moins sont développés. D’abord, la terreur d’être emprisonnée dans cet hôpital – c’est la dimension Vol au-dessus d’un nid de coucou, la plus attendue mais pas la moins réussie, d’autant que Sawyer se retrouve à nouveau confrontée à son persécuteur (Joshua Leonard). Puis l’indécision sur le véritable état de Sawyer, qui perdure assez longtemps pour troubler le spectateur. Et aussi, plus surprenant, un certain état de l’économie de la psychiatrie aux États-Unis, où la nécessité de la rentabilité débouche sur des dévoiements et des pratiques délictueuses, sinon criminelles, de la part d’instituts de santé. C’est ainsi que le film de genre, chez Steven Soderbergh, acquiert une complexité remarquable sans rien perdre de sa tension et de son suspense.