Trump parie sur le chaos en Iran
En pariant sur un durcissement militaire du régime, le président états-unien veut exacerber les contradictions du pays.
dans l’hebdo N° 1513-1515 Acheter ce numéro
Avec sa stratégie d’agressivité permanente, Trump change toujours de cible. Russie, Allemagne, Corée du Nord… Son choix semble cette fois s’être arrêté sur l’Iran. Certes, le président états-unien s’est fendu d’un énième tweet en guise de télégramme diplomatique, directement adressé cette fois au président iranien Rohani. Mais on aurait tort de croire à un geste d’humeur parmi d’autres. D’abord parce que l’apparente instabilité mentale de ce personnage ne saurait masquer une politique étrangère réellement pensée autour de (ce qu’il croit être) la défense des intérêts supérieurs de son pays. Ne croyant pas au multilatéralisme ni au droit international, Trump est d’ailleurs convaincu de la seule vertu du bilatéralisme. On l’a vu avec Israël, la Chine, l’Union européenne, le Canada, la Corée du Nord.
Mais avec l’Iran, il existe d’autres indices, qui ont déjà été donnés par les déclarations anti-iraniennes, quasi simultanées, de l’Israélien Benyamin Netanyahou et du prince saoudien Mohammed Ben Salmane, parrainées par Washington, et justifiées pour empêcher absolument l’Iran de devenir une puissance commerciale concurrente et de constituer une menace militaire.
D’autres signes alertent sur le sérieux de la menace états-unienne : c’est devant une partie de la diaspora iranienne vivant aux États-Unis, plutôt aisée et organisée, que le secrétaire d’État Pompeo a appelé à un boycott du pétrole iranien. Enfin, plutôt que d’envisager une intervention militaire, les États-Unis affirment vouloir investir massivement dans la propagande via des chaînes de télévision et de radio, pour encourager l’opposition de l’intérieur. Trump sait parfaitement le pouvoir iranien de plus en plus fragile et le désir d’émancipation d’une partie croissante du peuple à l’égard d’une théocratie rétrograde. En pariant sur un durcissement militaire du régime, il veut exacerber les contradictions du pays et espérer un changement de régime. La dénonciation de l’accord sur le nucléaire iranien était déjà porteuse de cette intention.
Mais les rêves de papier ne sont pas prophéties et il y a fort à craindre pour les Iraniens, autant que pour leurs voisins, de la mèche explosive allumée par le « grand fou ». Avec l’accord sur le nucléaire iranien, on avait la possibilité d’une paix et d’une stabilité régionales, d’un développement économique et même d’un répit pour les sociétés. C’est cette chance que les Européens et les Chinois notamment veulent encore préserver, en face de la géopolitique du chaos de Trump. La course à la paix ou à la guerre est déjà lancée.
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