Samir Amin : Un marxiste du Sud
L’économiste franco-égyptien Samir Amin fut l’un des initiateurs des Forums sociaux mondiaux.
dans l’hebdo N° 1516 Acheter ce numéro
L’une des plus importantes fondatrices du quotidien de la gauche critique italienne Il Manifesto, auquel Samir Amin collaborait depuis des décennies, Luciana Castellina (exclue du PCI, comme tous ses camarades du journal, en 1969), lui a rendu hommage au lendemain de sa disparition en ces termes :
Pour nous, du Manifesto, Samir Amin a été très important : il fut l’un des premiers marxistes du tiers-monde, qui nous enseigna à raisonner en termes de globalité mondiale et de ce que signifiait “l’accumulation du capital à l’échelle mondiale”, en dehors du ghetto eurocentré. Si le Manifesto a été l’expression d’une gauche riche et articulée, nous le devons à cette sorte de greffe, qui n’a jamais eu les caractères d’un tiers-mondisme se désintéressant des problématiques du capitalisme avancé, ou pire, empreint de méfiances identitaires.
Disparu le 12 août dernier à 87 ans, marié à une Française, Samir Amin, intellectuel né en Égypte, embrassa très tôt le marxisme, d’abord orthodoxe, en jouant un rôle de premier plan aux débuts du régime de Nasser, puis dans le Mali progressiste d’après l’indépendance, avant de s’intéresser autant à la Chine maoïste qu’à la Yougoslavie de Tito (notamment à l’autogestion qu’elle prôna un temps) et au mouvement des non-alignés après la conférence de Bandung (1955). Auteur de nombreux livres, dont certains avec Immanuel Wallerstein, le créateur états-unien du concept de « système-monde », Samir Amin n’a eu de cesse de travailler à une nouvelle (ou Cinquième) « Internationale des travailleurs et des peuples ». C’est ce qui l’amena à s’engager pleinement dans l’aventure altermondialiste et notamment du Forum social mondial, dont le premier eut lieu à Porto Alegre en 2001 (après la naissance du mouvement au cours des émeutes de Seattle en 1999).
Soutien indéfectible de nombreux partis, associations ou mouvements progressistes du Nord mais surtout du Sud, il resta fidèle à un socialisme non dogmatique, toujours prêt qu’il était à critiquer les impasses nationalistes du tiers-mondisme et à partager son espérance enthousiaste et tenace d’« un autre monde possible ». Il ne se ménageait d’ailleurs pas dans les confrontations qu’il acceptait avec les plus jeunes parmi les militants engagés dans tous ces mouvements et organisations, les accompagnant toujours d’un regard bienveillant.