François Ruffin : « N’attendons pas la croissance pour réclamer plus d’égalité »
Durant sa première année à l’Assemblée, on l’a surtout entendu sur les questions sociales. François Ruffin veut désormais y ajouter les préoccupations environnementales. Une évolution qui en a surpris plus d’un chez ce « rouge » attaché désormais à faire converger les deux enjeux.
dans l’hebdo N° 1518 Acheter ce numéro
Il dit avoir mis son été à profit pour travailler sur l’écologie. Il n’avait pas imaginé que la rentrée politique s’ouvrirait par le réquisitoire prononcé par Nicolas Hulot, annonçant sa démission du gouvernement en direct sur France Inter, le 28 août. Tant mieux, dit François Ruffin, « ça m’offre une actualité pour parler d’écologie ». Après d’autres à gauche, et notamment Jean-Luc Mélenchon en 2012 et Benoît Hamon en 2017, tel est devenu son axe de réflexion et d’action : comment articuler les questions sociales, au cœur de son engagement depuis toujours, avec l’urgence des défis qui frappent la planète ? Pour le député de la Somme, une grande partie de la réponse réside encore dans une lutte sans relâche contre le libéralisme.
La démission de Nicolas Hulot du ministère de l’Écologie a ébranlé la rentrée politique. Comment réagissez-vous à cela ?
François Ruffin : Il faut ouvrir les yeux : cette démission n’aura pas de conséquences. Il s’agit d’une secousse qui peut aider, mais elle ne donnera jamais lieu à un basculement dans la durée. Sur le coup, on est touché, puis on passe à autre chose. Comment faire pour continuer à évoquer ces problèmes sur le long terme ? D’autant qu’il est difficile de parler d’écologie : ce sujet nous dérange, nous empêche de dormir, donc nous préférons le déni, c’est un réflexe de sécurité. L’écologie apparaît comme un soleil noir effrayant au-dessus de nos têtes. Je dis « effrayant », car l’issue finale, c’est notre mort, celle de notre planète et de notre civilisation. En parler est angoissant, on préfère le divertissement !
Qu’est-ce qui vous pousse à vous intéresser à l’écologie ?
L’écologie est une préoccupation en lien avec le social. La question est : comment lancer des passerelles entre les deux ? Comment les faire avancer ensemble ? Ces thèmes étaient au cœur de ma campagne, même si ce ne sont pas les points qui ont été le plus mis en lumière. J’ai deux enfants qui vont à l’école à Amiens et, certains jours, lorsqu’il y a trop de pollution, le rectorat interdit que les enfants sortent jouer dans la cour. Et on est en train de s’habituer à cela. Nous vivons une sorte d’écroulement écologique.
Je me demande parfois si mes gamins grandiront avec des hirondelles, comme je l’ai fait. Mon père m’a appris que, lorsqu’elles volaient bas, cela signifiait que l’orage allait arriver puisque les insectes volaient bas et qu’elles chassaient. Le dicton affirme qu’une hirondelle ne fait pas le printemps, mais, aujourd’hui, elles n’annoncent pas l’orage non plus. Une étude sortie au printemps montre que le nombre d’espèces d’oiseaux a chuté de 30 % en cinq ans. Durant mes vacances, j’ai découvert le livre d’Amos Oz Soudain dans la forêt profonde. Ce conte écologique parle d’une vallée entière sans bruits d’oiseaux, sans termites ni poissons. Lorsqu’on le raconte aux enfants, on parle de ces espèces au passé, avec honte, car on sait qu’on porte une responsabilité dans leur disparition.
C’est sur ces sujets que j’ai travaillé cet été. Alors quand, à la rentrée, on démarre sur des histoires de « Gaulois réfractaires » et de démission, on se demande comment faire pour s’extraire de tout ça, relever le nez et proposer un autre regard.
C’est difficile de parler d’écologie à l’Assemblée nationale ?
Quand je parle « vert », on m’entend bien moins que si je sors un maillot de foot. J’ai fait remarquer que, dans la loi sur le pacte ferroviaire, il n’y avait pas une seule fois les mots « biodiversité », « climat » ou « réchauffement ». Le sujet, c’était les transports, mais rien, dans ces 80 pages, n’abordait les questions d’environnement. La non-prise en compte écologique de ces questions est incroyable, d’autant plus lorsque l’on considère l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre.
L’autre difficulté pour parler d’écologie à l’Assemblée nationale, c’est qu’Emmanuel Macron et les députés LREM font partie de l’oligarchie. Ils savent que, si l’on prend au sérieux la question de l’écologie, cela aura un impact sur les bénéfices des entreprises. Si on place la préoccupation écologique au centre, elle bouleverse tout. Cela signifie qu’il faut une transformation idéologique majeure. Cela passe par le bannissement du mot « croissance », qui est le fondement de la pensée politique et économique française depuis quarante ans. Ce basculement est nécessaire, mais il ne viendra pas du gouvernement actuel.
Vous parlez de protectionnisme social et écologique. Qu’est-ce que cela implique ?
Pour moi, il faut retirer l’agriculture du domaine de la concurrence internationale. Le protectionnisme agricole est devenu acceptable à gauche ; depuis José Bové, on parle notamment de souveraineté alimentaire. Nos agriculteurs ne peuvent changer leurs manières de faire que dans une économie fermée, sinon ils périront faute d’être assez « compétitifs ». Pourquoi ne pas démarrer ce protectionnisme à l’échelle nationale et, surtout, pourquoi se limiter à l’agriculture ? On a besoin d’entendre des discours protectionnistes dans d’autres domaines. Ma région a été bousculée par le libre-échange. Pour la classe dirigeante, ce modèle est une garantie pour le statu quo, voire le recul, mais il interdit toute avancée. Si vous dites « sortie du glyphosate », on vous répond concurrence. Et c’est vrai. Le premier mot à bannir est donc « croissance », et le deuxième est « concurrence ». Cela ne veut pas dire que je suis hostile à tout marché : mon journal et mes livres sont sur des marchés. Mais il peut y avoir des régulations. Il ne faut plus que la concurrence soit la seule manière de penser la société, car elle interdit tout progrès social. On dit que la concurrence se fonde sur le modèle darwiniste, or, dans la nature, il existe des modes de coopération et d’entraide pour la survie. Si elle est au milieu de relations, de liens sociaux et d’entraide, la concurrence n’est pas mortelle. La solution serait de rétablir la confiance entre les humains. Mais le seul discours que l’on entend sur la confiance, c’est : « Il faut que les marchés retrouvent confiance en la France. »
{: class= »mdflux-code » }Comment faites-vous le lien entre les questions sociales et les enjeux écologiques ?
Dans mon parcours intellectuel, je me suis beaucoup posé cette question, et on en revient toujours à la croissance. On nous explique que, pour mieux vivre, il faut faire grossir le gâteau. Il y en aura plus pour les riches, mais les miettes pour les pauvres grossiront aussi. Pourtant, en 1973, un homme affirmait : « Il est un mythe savamment entretenu par les économistes libéraux selon lequel la croissance réduit les inégalités. Cet argument permettant de repousser à plus tard toute revendication redistributive est une escroquerie intellectuelle sans fondement. » C’était Jacques Attali, l’homme de la libération de la croissance et pilote de Macron. Donc n’attendons pas la croissance pour réclamer plus d’égalité. Ce n’est pas la taille du gâteau qui importe, mais sa répartition, qui profite encore et toujours aux riches. L’économiste Jean Gadrey ajoute que, si le gâteau est bourré de substances toxiques, qui a envie de le manger ? Là se greffe l’enjeu écologique. Un de mes repères en écologie, c’est le livre d’Hervé Kempf (1) qui reprend le concept de rivalité ostentatoire de Thorstein Veblen. Il explique que les riches polluent aussi la planète indirectement, par le modèle qu’ils diffusent dans la société. On entre dans la course et on est toujours tiré vers la classe du dessus. Pendant les vacances, certains emmènent leurs enfants en Colombie ou en Asie, j’en viens à me demander si je suis un bon père lorsque je pars avec les miens en Ardèche ! Cette pression sociale nous concerne tous ; l’important, c’est de savoir comment lutter. Ce que propose Veblen, c’est d’aplanir la pyramide de manière à ce que l’on soit moins tiré vers le haut et afin d’avoir un corps qui existe ensemble.
Comment peut-on convaincre les Français de résister à cette pression sociale ?
Nous sommes un peuple qui a un désir d’égalité, et cette égalité est blessée par la mondialisation. Cela nous heurte, nous questionne. Mais, chaque fois que l’on dit que l’on va taxer les riches ou les grandes multinationales, ceux-ci menacent de partir. Il faut assumer le fait que l’égalité est au cœur du triptyque français. Elle ne sera jamais pure et parfaite, mais il s’agit de tendre vers cela. Ce n’est pas l’oligarchie qui fera changer le système, car elle en est la première bénéficiaire. Il faut donc faire passer dans l’opinion l’idée qu’arriver à un certain seuil de richesse ne contribue pas à apporter du mieux-être dans la société. Je suis « acroissant » comme on est agnostique. Il faut sortir la croissance de notre horizon mental : ce n’est plus une unité de mesure valable. Ce discours doit se répandre dans la société afin que les gens y adhèrent.
Cela prendra du temps pour des enjeux que l’on nous présente comme urgents…
On ne change pas l’orientation d’un paquebot en claquant des doigts. Regardez le cas de la viande. À force de siècles de frustrations – on peut remonter jusqu’à la poule au pot d’Henri IV –, le peuple a intégré l’idée que manger de la viande était un signe d’accès à la richesse. Cette image ne sera pas effacée des mentalités du jour au lendemain. Mais, aujourd’hui, nous avons des responsabilités, notamment celle de décider du cap que nous fixons pour l’agriculture et l’alimentation de demain. Puisqu’aucun cap n’est décidé, on laisse la place aux forces du marché. D’un côté, les états généraux nous expliquent que nous devons changer notre alimentation et, de l’autre, on signe un accord de libre-échange avec le Brésil concernant la viande bovine, qui ne nous permet pas d’effectuer des contrôles sur la qualité de la viande. Ce n’est plus une contradiction, c’est un fossé.
Contrairement à Hulot, vous croyez aux petits pas ?
Je suis pour les petits pas lorsqu’ils existent ! Et si petits pas il y a, la question est de savoir dans quelle direction on les fait. Ce ne sont pas les Français, les « Gaulois réfractaires », mais Macron et ses amis de l’oligarchie. Quel changement nous proposent-ils ? Ils affirment que l’on a besoin de croissance, de libre-échange, etc. Mais ça fait quarante ans qu’on les a ! Les grands choix macroéconomiques sont identiques à ceux des anciens présidents, de Giscard à Hollande. D’ailleurs, Macron me fait penser au Portrait de Dorian Gray, d’Oscar Wilde : cet homme éternellement jeune dont le portrait peint vieillit à sa place et porte les traces de ses crimes. Emmanuel Macron est jeune avec un visage souriant, c’est le thatchérisme à visage poupin. Mais lorsqu’il se retrouve le soir devant son miroir, qu’est-ce que c’est vieux !
Les retraites, les allocations familiales, les aides au logement… Pensez-vous que les futures mesures du gouvernement vont mobiliser les Français ?
J’espère que les mobilisations seront plus fortes que celles de l’année dernière. Ce qui manque aux gens, c’est l’espérance, la conscience de leur force et le sentiment qu’ils peuvent gagner. Ils savent que la politique de Macron est injuste, ce n’est plus à démontrer. L’enjeu est de leur montrer que l’on peut gagner. La rue n’est entendue que si elle est nombreuse. Cent mille personnes pour la « Fête à Macron », c’est peut-être le début de quelque chose, mais ce n’est pas un mouvement de masse. S’il y a un million de personnes dans la rue prêtes à ancrer la contestation dans la durée et faisant grève, cela donne lieu à un nouveau rapport de force. Lors de ma campagne, je disais que mon adversaire, c’était la finance, mais c’est surtout l’indifférence. Comment se battre contre cette résignation instillée dans le cœur des gens du peuple comme un poison ? Comment faire pour que les habitants d’Abbeville, d’Amiens (2) bougent en masse ? Cela ne se fera pas en un jour.
L’enjeu est donc de remobiliser les Français. Comment ?
Il faut toujours chercher, imaginer… Le plus important, dans mon élection, n’était pas ce que j’allais faire à l’Assemblée, mais le fait de gagner. « Gagner » est un mot devenu tellement étranger dans le vocabulaire de la gauche qu’il faut aller d’une petite victoire à une autre. Richard Wilkinson (3), avec qui je me suis entretenu, évoque les contre-pouvoirs dans les sociétés préhistoriques. Lorsque quelqu’un accumulait trop de richesses ou de pouvoir, il y avait plusieurs stratégies, comme le rire, l’exil ou la mise à mort. Comme méthode un peu moins radicale, il y a la démocratie. Par le processus démocratique, on peut faire nombre et s’opposer à l’oligarchie. Il faut redonner aux citoyens le goût de faire corps.
Ce processus démocratique semble mis à mal, comme le montre l’abstention. Comment analysez-vous ce phénomène ?
Les personnes aisées et insérées continuent de voter massivement. Ce sont celles qui ont le sentiment d’être isolées, rejetées ou déconsidérées qui renoncent à se rendre aux urnes. Le défi est de redonner envie de voter, et pas seulement à la présidentielle. Je pense que l’idée de faire du scrutin européen un référendum anti-Macron est une bonne stratégie, car il permet de politiser ce vote sur des enjeux nationaux.
L’autre défi est de faire reculer le vote d’extrême droite. Durant votre campagne, le candidat FN a été éliminé au premier tour avec 15 % des voix. Comment contrer ces idées ?
Lorsque des gens me parlaient des « assistés » et des réfugiés, je leur demandais si leurs problèmes venaient réellement des migrants de Calais ou de la personne handicapée près de chez eux. Le problème est qu’ils se focalisent sur ce qui est visible alors que ce sont les liens invisibles qui sont en cause. Ainsi, les employés de Whirlpool ignoraient le nom de leur PDG, son salaire et l’endroit où il habitait. Il se trouve que Jeff Fettig gagnait beaucoup d’argent et vivait dans une immense maison avec piscine et court de tennis. Je leur ai montré des photos en leur demandant où allait la richesse qu’ils produisaient : pour les réfugiés ou dans les poches de ce monsieur ? C’est ça, ma méthode : politiser en donnant des noms, en montrant des visages, et en établissant des rapports de cause à effet. Montrer ces liens invisibles, c’est le métier du politique. En fait, moi, je construis des conflits.
Vous parlez souvent de populisme de gauche. Comment le définissez-vous ?
Pour moi, le populisme de gauche passe justement par le fait de construire du conflit. Il s’agit de poser qu’il y a un « eux » et un « nous ». Au FN, le « eux », ce sont les étrangers, et le « nous », les Français. Mon « nous », c’est le peuple, contre « eux », les membres de l’oligarchie. Il s’agit donc de rassembler. Le rôle des élections européennes à gauche devrait être de montrer qui a l’hégémonie. Tant que le PCF ou Génération·s croient avoir la recette du rassemblement, celui-ci est impossible. C’est de la politique pas très palpitante. Je sais bien que les corpus idéologiques ne sont pas vraiment les mêmes à gauche, surtout sur les questions européennes, mais ce besoin de rassembler existe.
Vous dites créer un « eux » et un « nous ». Quelle est la place des luttes particulières comme le féminisme ou la question des quartiers populaires dans le populisme de gauche ?
C’est le lien avec la question sociale. La place des femmes dans la société est dans le rapport capital-travail. J’espère porter une loi sur les emplois de service, des métiers majoritairement féminins où les normes sont absentes. Lorsqu’à la tribune j’ai parlé des femmes de ménage de l’Assemblée, ça n’a duré que cinq minutes mais ça a crevé le plafond. Sur les banlieues, il y a d’autres questions, mais je pense que le rôle de l’emploi, du revenu et de l’insertion dans la société est très important. L’enjeu est de rassembler de nouveau les classes intellectuelles et populaires, séparées à cause de la mondialisation depuis les années 1980. Cette divergence des destins économiques se traduit politiquement, comme dans le vote FN. D’autant qu’il existe un autre divorce au sein même de la classe populaire entre les ouvriers, qui vivent très majoritairement à la campagne, et les enfants d’immigrés, qui habitent dans les quartiers populaires. Il est nécessaire de trouver des passerelles entre eux, de montrer leurs intérêts communs. Chaque fois que l’on pose une question cultuelle ou culturelle, on divise. Chaque fois que l’on pose des questions sur le terrain social ou écologique, on rassemble.
Vous revendiquez donc ce populisme. À l’Assemblée, de par vos expressions et votre vocabulaire, certains vous reprochent d’être démagogique. Que leur répondez-vous ?
Je m’en fous ! Le risque, c’est de se sentir seul, mais eux… – oui, je dis « eux », et c’est une terminaison typiquement populiste, comme on me le fait remarquer parfois – eux, ils ont en permanence les points d’appui des forces institutionnelles, des forces de l’argent, des médias, de Bruxelles… Et lorsqu’ils prennent la parole, ils sont sûrs de leurs appuis. Nous, lorsque nous parlons dans l’hémicycle, nous n’avons pas un tel socle. Le seul appui que nous ayons, ce sont les encouragements de la population. D’ailleurs, heureusement qu’il y a Facebook. Ce réseau me permet de parler et d’échanger avec des gens sans avoir à passer par les médias. Je regarde les commentaires et surtout je reçois des encouragements. Franchement, moi je dis « merci Zuckerberg » (4), même si ce n’est pas très bien de dire ça ! Ce sont ces encouragements qui me font tenir. L’hostilité peut être une bonne chose, ça réveille. Mais l’hostilité à l’Assemblée nationale, c’est mielleux, c’est vide. On parle de « langue de bois », mais la langue de bois, tu t’y cognes, tu t’y heurtes ! Là, c’est de la langue de coton, tu t’endors dedans.
On vous présente comme l’« électron libre » du groupe France insoumise. La politique, pour vous, est quelque chose de solitaire ?
Je ne travaille pas en solitaire, j’ai des équipes autour de moi. Et je crois au collectif. Mais, comme je l’ai dit à Mélenchon en plaisantant : dans un couple, je pense déjà qu’il y en a un de trop. Alors imaginez dans un groupe ! Disons que, parfois, ce n’est pas dans mon tempérament. J’organise des choses avec diverses personnes, mais les réunions en groupe le lundi matin sur tel sujet, puis avec un autre l’après-midi, ce n’est pas mon truc. Bien sûr que je suis convaincu qu’il faut du travail collectif, et c’est un travail collectif que je mène. Mais, dans ce cas, il ne faudrait pas un groupe de 17. Si on était 50 ou 60, ça serait beaucoup mieux, parce que là, on croule sous les dossiers.
On vous présente comme le porte-voix des « petits ». Quel est votre regard social et sociologique sur votre année passée à l’Assemblée ?
J’appartiens à la classe moyenne éduquée et, justement, mon appartenance à cette classe intermédiaire m’a permis de choisir qui servir. J’aurai pu choisir d’être journaliste chez Drahi ou de travailler à la communication de LVMH. Je me souviens d’une scène à Bourg-en-Bresse, dans un foyer menacé de fermeture. Il y avait des jeunes précaires, des travailleurs en souffrance, une famille expulsée… Ils avaient installé un campement devant la préfecture pour sensibiliser l’opinion publique à leur sort. C’était au moment des vœux. Il y avait un sacré tableau : les notables à l’intérieur, les classes populaires dans le jardin et les éducateurs qui distribuaient des tracts entre les deux. C’était très symbolique de notre société. Un des éducateurs jouait de la guitare et je lui ai demandé pourquoi il n’allait pas à l’intérieur. Il m’a répondu qu’il aurait pu, mais avait fait le choix de rester à l’extérieur. Pour moi, la classe intermédiaire est celle qui a le choix. Et cela se ressent dans mon travail.
(1) Comment les riches détruisent la planète, Seuil, 2007.
(2) François Ruffin est député de la première circonscription de la Somme, comprenant Abbeville et une grande partie d’Amiens.
(3) L’égalité c’est la santé, Fakir Éditions, 2015.
(4) Mark Zuckerberg est le fondateur et PDG de Facebook.