Le calvaire des Rohingyas à Visa pour l’image
À Perpignan, dans le cadre du festival international de photojournalisme, deux reportages montrent le drame de la communauté birmane musulmane.
Voilà six ans que la photographe Paula Bronstein consacre son travail aux discriminations et à la persécution dont souffre la communauté rohingya, documentant d’abord leur situation en Birmanie et, depuis 2017, au Bangladesh. « La majorité bouddhiste de Birmanie peine à contenir une haine profondément enracinée à l’égard de cette minorité ethnique musulmane, dit-elle, une haine qui couve depuis des années. Ils sont considérés comme des clandestins venus du Bangladesh et la nationalité birmane leur est refusée. » Dans l’État occidental de Rakhine, les autorités ont restreint sévèrement leur liberté de circulation. Un apartheid qui leur interdit l’accès à l’éducation, à la fonction publique et à la santé.
Les tensions se sont accrues dans l’été 2017, après une attaque, réprimée lourdement, de rebelles rohingyas contre les forces de sécurité nationale. « Plus de la moitié de la population rohingya se voit forcée de fuir la Birmanie, rapporte Paula Bronstein, et plus de 700 000 personnes traversent la frontière bangladaise. Les témoignages de réfugiés traumatisés font état d’atrocités, de villages brûlés par centaines, de viols et de tueries. Le gouvernement birman arrête les journalistes qui tentent de découvrir la vérité. Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la paix, continue de fermer les yeux sur ces exactions. »
Corps exsangues, décharnés, exténués
Pendant plusieurs mois, la photographe a voyagé du côté de la frontière, et dans les camps de réfugiés à Cox’s Bazar, au Bangladesh, une station balnéaire plutôt prisée par les touristes, fixant le quotidien de la communauté. Un quotidien terrifiant cadré également par Kevin Frayer, dans les mêmes lieux, mais encore sur les rives du fleuve Naf qui se jette dans le golfe du Bengale, où débarquent les Rohingyas, quand leurs frêles embarcations ne s’échouent pas ou ne sont pas fracassées contre les eaux agitées.
Si Paula Bronstein rend compte de la situation en couleurs, Kevin Frayer a choisi le noir et blanc, renforçant la dramatisation. Par milliers, ce sont des corps exsangues, décharnés, exténués, épuisés par les marches forcées, des visages hagards, des linceuls qui s’alignent, la distribution des aides alimentaires, les traversées nocturnes du fleuve, des réfugiés massés sur les berges boueuses, l’enregistrement à un poste-frontière, l’installation des camps, un dispensaire de fortune… D’un reportage à l’autre, tous deux insoutenables, plus d’une centaine d’images disent l’ampleur des violences et du calvaire.
Apatrides, abandonnés et rejetés : la crise des Rohingyas, Paula Bronstein ; Voyage du désespoir : l’exode des Rohingyas, Kevin Frayer ; Visa pour l’image, Perpignan, jusqu’au 16 septembre, entrée libre.
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