« Tendresse à quai », de Henri Courseaux : Jeux de cartes

Henri Courseaux met en scène la rencontre improbable de deux personnages désorientés.

Gilles Costaz  • 18 septembre 2018 abonné·es
« Tendresse à quai », de Henri Courseaux : Jeux de cartes
© Photo : Léonard

Un homme et une femme sur un quai de gare. C’est parti pour la romance à deux sous ? Pas du tout ! Henri Courseaux, qu’on connaît comme acteur, chanteur et aussi comme auteur, a de la malice à revendre. La rencontre qu’il organise dans sa pièce Tendresse à quai sera tout à fait immobile. Chaque événement va se passer dans la tête des deux personnages, placés chacun dans un coin purement graphique. Un défilé de possibilités se débobine, sans qu’on sache quelle situation l’emportera. À une vérité unique, Courseaux préfère le vertige des vérités toujours mises en cause et remplacées par d’autres versions, sans cesse fuyantes et incertaines.

Le personnage masculin, interprété par l’auteur, est un écrivain qui aurait eu le prix Goncourt autrefois et n’intéresse plus personne aujourd’hui. Il imagine qu’il pourrait avoir une aventure avec la jeune fille qui est à côté de lui, mais ne sait plus très bien où il en est avec les femmes et avec ses œuvres. Il n’est même pas sûr d’exister. Il se transforme parfois en d’autres individus, comme son infernal éditeur, qui n’a jamais compris grand-chose à la littérature. Elle, la fille, est en train de perdre son boulot et se balade également dans une vie éparpillée comme les fragments d’un miroir brisé.

C’est un jeu de l’esprit, un exercice qui pourrait paraître formel si l’humour d’Henri Courseaux n’était aussi impérial. La mise en scène de Stéphane Cottin a su battre ce jeu de cartes dans un rythme où les effets de surprise ont une sorte d’abstraction charnelle et où, comme au cinéma burlesque, on attend des chutes qui ne viennent pas. Courseaux et Marie Frémont ont l’un et l’autre leur façon d’être à la fois sur terre et dans des nuages mystérieux. Follement drôle est leur glissade entre le plein et le vide.

Tendresse ****à quai, Studio Hébertot, Paris XVIIe, 01 42 93 13 04. Jusqu’au 18 novembre.

Théâtre
Temps de lecture : 2 minutes