Visa pour l’image : Dans les entrailles de Potosi
Exposé à Visa pour l’image, à Perpignan, Miquel Dewever-Plana a suivi les mineurs boliviens. Un voyage au bout de l’enfer.
Son travail photographique a toujours été influencé par l’auteur uruguayen Eduardo Galeano. Lequel écrit dans Les Veines ouvertes de l’Amérique latine combien « Potosi, condamnée à la nostalgie, tourmentée par la misère et le froid, reste une plaie ouverte dans le système colonial américain : une accusation toujours vivante. Le monde devrait commencer par lui demander pardon ». Galeano a tôt fait de relater, dans les années 1970, rappelle le photographe Miquel Dewever-Plana « la discrimination des peuples premiers, l’histoire du pillage des ressources naturelles et les atteintes aux droits humains sur ce vaste continent ».
Ce travail présenté à Visa pour l’image, à Perpignan, réalisé dans les entrailles des mines de Potosi, en Bolivie, se veut un nouveau chapitre de la radiographie qu’il poursuit depuis quelque vingt ans en Amérique latine. Cette fois, pendant près de neuf mois, Miquel Dewever-Plana a partagé la vie des mineurs de Potosi.
La photographie et Potosi, c’est déjà une histoire longue (Sébastien Berrut, Yves Mailliere et Régis Bonnerot récemment), toujours recommencée, parce qu’on creuse toujours plus loin, fouillant les boyaux étroits du ventre de la montagne, culminant à plus de 4 700 mètres d’altitude. Avec toujours la même quête : trouver le filon d’argent qui mettrait fin à une pauvreté tenace. Pour ça, on multiplie les prières, les offrandes, les sacrifices, les processions. Dewever-Plana a suivi son sujet au plus près, négociant avec la lumière. Les rituels, le tout-venant, l’ordinaire. Celui des wagonnets, celui des repas partagés en famille. Un peuple aux joues gonflées par les feuilles de coca mâchées toute la journée, pour atténuer la faim et calmer les souffrances physiques.
« Obscurité, chaleur, poussière, vapeur d’arsenic, manque d’oxygène sous la terre pour les hommes. Lumière, vent et froid qui brûlent les yeux et la peau sur les pentes arides de la montagne pour les femmes. » Les conditions de travail n’ont presque pas changé depuis cinq siècles. Tout juste, observe le photographe, si l’espérance de vie d’un mineur est aujourd’hui de 50 ans. Elle était de moins de 35 ans il y a quelques décennies. Mais ils continuent encore de creuser, par milliers. Parce que les paysans indiens n’ont pas d’autre choix que d’abandonner une terre qui ne les nourrit pas.
Bolivie : pour tout l’argent de Potosi, Miquel Dewever-Plana, Visa pour l’image, Perpignan, jusqu’au 16 septembre. Entrée libre.
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