À l’écoute du monde

Jusqu’au 28 octobre, dans trois salles parisiennes, Worldstock invite à parcourir la planète en musique(s). Une magnifique diversité.

Jérôme Provençal  • 24 octobre 2018 abonné·es
À l’écoute du monde
Photo : L’électro-orientalisme du duo palestinien Zenobia promet une transe à la Gaîté lyrique, le 27 octobre.
© zenobia

Ouvert à toutes les musiques venues d’ailleurs, le festival World­stock balaie les langueurs de l’automne en faisant souffler un salutaire vent de diversité. Il y a près de cinquante ans, en août 1969, son légendaire presque homonyme Woodstock promettait à ses participants _« trois jours de paix et de combats ». De son côté, gagnant en ampleur chaque année, Worldstock – créé en 2013 – propose désormais une pleine semaine de fraternité et de découvertes.

Cette édition 2018 a démarré le 22 octobre avec un concert de la musicienne londonienne d’origine indienne Susheela Raman et se poursuit jusqu’au dimanche 28 octobre. Berceau du festival, le théâtre des Bouffes du Nord en reste le point central et accueille la majeure partie des concerts. Les autres ont lieu au New Morning et à la Gaîté lyrique.

Couvrant un large spectre, la programmation rassemble une quinzaine d’artistes à la notoriété variable. Le plus prestigieux est sans conteste le compositeur, chanteur et oudiste libanais Marcel Khalifé, l’un des musiciens les plus importants du Moyen-Orient. En activité depuis le début des années 1970, il développe une œuvre et une pensée profondément progressistes. Très libre, sa musique se nourrit de la tradition pour mieux s’épanouir dans l’expérimentation. Il ne cesse ainsi de chercher à étendre le registre expressif de l’oud, son instrument fétiche. Ayant mis en musique des poèmes de Mahmoud Darwich, il est un fervent partisan de la cause palestinienne – et de la paix en général.

Ses deux fils, Rami Khalifé et Bachar-Mar Khalifé, sont eux aussi de remarquables musiciens, pratiquant en particulier le piano. Dans le cadre de Worldstock, Marcel Khalifé va jouer avec Rami et le batteur Aymeric Westrich, ce dernier déjà entendu dans Aufgang, groupe d’électro organique, aux côtés de Rami. De la part d’un tel trio, on peut s’attendre à une belle traversée transfrontalière (Bouffes du Nord, 25 octobre à 18 h 30 et à 20 h 30).

Durant le festival, on pourra également entendre Bachar-Mar Khalifé (Gaîté lyrique, 27 octobre à 20 h 30). Ayant publié au printemps un superbe album, The Water Wheel, dédié au chanteur et oudiste nubien Hamza El-Din, il en présente ici la version live. Le même soir, il invite le public à découvrir deux représentants de la scène musicale palestinienne actuelle : la chanteuse et guitariste Rasha Nahas, qui oscille entre jazz, folk et cabaret, et le duo Zenobia, dont l’électro orientalisante devrait mettre l’assistance en transe.

Dans le reste de la programmation, attirons l’attention sur le concert de la musicienne sud-coréenne Park Jiha (Bouffes du Nord, 26 octobre à 20 h 30). Sorti en mars chez Glitterbeat, son premier album solo (Communion) apparaît tout simplement comme l’un des plus beaux albums de l’année. Nimbée d’un léger halo onirique, sa musique conjugue instruments traditionnels coréens (notamment le piri, un petit hautbois en bambou), cuivres et percussions pour donner forme à un genre littéralement inouï de jazz contemporain, ardent et buissonnier.

En toute fin de festival, cruel dilemme, les mélomanes aux oreilles voyageuses devront choisir entre deux concerts terriblement tentants, proposés le 28 octobre à 20 h 30 dans deux salles différentes. D’un côté (New Morning), la chanteuse turque Gaye Su Akyol et sa pop-rock psychédélique au grisant parfum d’Orient – dont l’excellent nouvel album, Istikrarli Hayal Hakikattir, sort ces jours-ci. De l’autre (Bouffes du Nord), Fanna-Fi-Allah, groupe nord-américain adepte du qawwali, style musical lié au soufisme, très populaire en Inde et au Pakistan, dont Nusrat Fateh Ali Khan fut le grand héraut à l’échelle internationale.

Tendue vers la transcendance, la musique de Fanna-Fi-Allah se déploie via de longs et vibrants morceaux qui mêlent chants incantatoires, percussions répétitives et harmonium bourdonnant. Délectable sur disque (voir son éblouissant nouvel album, Muraqaba), elle s’annonce particulièrement intense sur scène.

Festival Worldstock, du 22 au 28 octobre à Paris

Musique
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