Accueil des migrants : la soirée du serment du CentQuatre
Salle comble le 25 octobre à Paris à la soirée de solidarité avec le Manifeste pour l’accueil des migrants.
dans l’hebdo N° 1525 Acheter ce numéro
Ce 25 octobre, plus de mille personnes (1) ont répondu présentes à l’invitation des organisateurs (2) au Centquatre, à Paris, au nom du Manifeste pour l’accueil des migrants (3). La soirée a rendu encore plus visible cette France de l’accueil qui contredit par l’action les discours de haine et de peur, trop complaisamment relayés dans l’espace public.
En rassemblant ces bonnes volontés qui honorent notre pays, nous démontrons qu’il n’y a aucune fatalité à courir vers l’abîme du rejet et du repli. À la fin de cette soirée, lecture a été faite du « Serment du Centquatre » (4), adressé aux politiques, présents (4) ou non, leur demandant de s’engager pour que cessent l’aveuglement politique, l’indifférence et la banalisation des idées et des politiques de rejet. Une mobilisation réussie qui appelle d’autres rendez-vous.
Salle bondée, programme dense et éclectique. N’en déplaise aux égoïstes, secourir et accueillir les étrangers échappés des guerres, des sécheresses et de la misère brute, rescapés des viols, des tortures, sauvés des naufrages… est une exigence de fraternité qui mobilise encore. Le début d’un nouveau rapport de force sur la question migratoire dans le débat public. Car comme l’a justement exposé le sociologue Éric Fassin, prendre conscience de l’impact des choix répressifs des gouvernements européens sur la démocratie et nos sociétés est aussi une façon de révéler le clivage qui se réinstalle au sein de la gauche. Qu’il faut conduire sans baisser les yeux ni les bras.
Nous n’avons rien à craindre des nouveaux venus, nous pouvons les accueillir dignement. C’est même une condition de notre dignité propre, abonde Marc Pascal (États généraux des migrations), qui résume le sentiment général : « Si on ferme la porte, c’est nous que nous enfermons. » C’est ce que sont venus dire des citoyennes et des citoyens déterminés, à commencer par les aidants, celles et ceux qu’à Politis nous avions nommés « les nouveaux justes ».
Ainsi Clarisse Bouthier (Solidarité migrants Wilson), venue raconter la genèse d’une histoire de solidarité concrète, née dans un « nez-à-nez » insupportable avec des « enfants du froid », loin des yeux des Parisiens mais juste en bas de chez elle, à la Plaine Saint-Denis. Tous les jours depuis l’hiver 2016, des repas, des vêtements, des médicaments. Des maraudes qui révèlent la misère, mais aussi la chasse froide et impitoyable qui lui est faite, jusqu’à la confiscation par la police des chaussures, que des pieds abîmés par l’exode avaient reçues comme un répit, presque une récompense…
Justes aussi, Françoise Cotta et Gibi, venus témoigner depuis la frontière italienne pour ces 1 500 réfugiés que le collectif Roya citoyenne a su accompagner vers une demande d’asile, faisant ainsi respecter le droit malgré le harcèlement de MM. Ciotti et Estrosi, indignes « républicains ». Juste encore, Fabienne Lassale, de SOS Méditerranée, dont les sauvetages en mer, pourtant conformes au droit maritime, sont criminalisés par des États hors-la-loi quand ils ferment leurs ports.
Les militants, sur le terrain depuis longtemps, transmettent à leur tour leur panache, leur expertise aussi. Celles du Baam sur la vie des migrants, « qui sont aussi des SDF » ; celle de Jean-Claude Mas (Cimade) sur les « rétentions illégales », et « la situation dramatique des 4 000 enfants enfermés chaque année à Mayotte » ; celle d’Ibtissam Bouchaara (RESF), qui a vu « l’affaissement des droits des étrangers en matière de protection de l’enfance ». Face aux petites démagogies et aux grandes lâchetés politiques, des arguments.
Marilyne Poulain (CGT), qui voit que « l’égalité des droits dans la société permet l’égalité des salaires dans les entreprises ». Aurélie Trouvé (Attac) rappelle, à la suite d’Audrey Pulvar (Fondation NH), que « l’Europe accueille 4 % de non-Européens » et « la France moins que les autres ». Rokhaya Diallo, Raphaël Glucksmann, Malik Salemkour (LDH) abondent et alertent sur cette « opinion » que trop de politiques et de médias cultivent. Jusqu’où ?, s’inquiètent avec leurs mots, leurs corps, leurs voix et leurs instruments les artistes présents : le danseur Soumaila Tunkara, l’humoriste Yassine Belattar, la chanteuse Constance Verluca, le musicien Grégoire Hetzel, la comédienne Isabelle Fruleux.
Et enfin Brigitte Fontaine, qui déclame : « Bientôt, frères humains, il fera si chaud qu’on grillera comme des harengs. On se précipitera vers les Eskimos et les Lapons qui nous recevront avec des barbelés et des kalachnikovs. Et ça sera bien fait pour nous. » Poétique ou prophétique ? Et si ça dépendait de nous ?
(1) Nous adressons ici à nos lectrices et lecteurs éconduits nos excuses les plus sincères.
(2) Politis, Mediapart, Regards, Là-bas si j’y suis, Siné Mensuel, Alternatives économiques, Le Courrier des Balkans, Le Bondy Blog, Bastamag, La Marseillaise.
(3) 56 000 signataires à ce jour.
(4) Guillaume Balas, Esther Benbassa, Ian Brossat, Yves Contassot, Sergio Coronado, Léa Filoche, Christophe Girard, Emmanuel Grégoire, Benoît Hamon, Noël Mamère, Philippe Poutou, Sophie Taillé.
Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.
Faire Un Don