Anticiper : le pari d’une région

Un comité scientifique aide la Nouvelle-Aquitaine à s’emparer du dossier climatique sans attendre une politique nationale.

Vanina Delmas  • 4 octobre 2018 abonné·es
Anticiper : le pari d’une région
© photo : la dune du Pilat

Depuis huit ans, un comité scientifique aquitain, AcclimaTerra, scrute les impacts du réchauffement climatique sur la région. Dans leur premier rapport, en 2013, les scientifiques posaient un diagnostic régional. La réorganisation des régions les a incités à poursuivre leur étude sur tout le territoire de la Nouvelle-Aquitaine.

Coordonné par le climatologue Hervé Le Treut, un nouveau rapport, explicitement titré Anticiper les changements climatiques en Nouvelle-Aquitaine. Pour agir dans les territoires, est paru en juin. Sa mission est de fournir une expertise à l’échelle régionale, des clés de compréhension destinées notamment aux élus locaux. Une gestion préventive à l’échelle territoriale, qui s’inscrit forcément dans une réflexion et une démarche globales.

« En termes climatiques, une région est prisonnière de ce qui se passe à grande échelle, mais elle est un espace de protection pour les citoyens. Elle peut aligner des demandes qui viennent du volet “diminution des émissions de gaz à effet de serre” et du volet “adaptation”. Très souvent, ces domaines sont liés, car on parle dans les deux cas de transport, d’habitat, d’agriculture… Il y a des solutions communes », détaille Hervé Le Treut. D’autant qu’Alain Rousset, président PS de la région, visait une réduction de 30 % des émissions de gaz à effet de serre et des consommations d’énergie à l’horizon 2020.

Avec ses 84 000 km2, la Nouvelle-­Aquitaine est la région la plus vaste de France et la diversité de ses milieux en fait un champ de recherches très dense : la forêt des Landes, les pertuis charentais, les 720 kilomètres de côtes, les massifs montagneux, les cultures viticoles, les cours d’eau, l’urbanisation… Un espace permettant de relever des interactions entre les milieux et de réaliser une étude systémique tout en gardant les différences à l’esprit. Ainsi, les monts du Limousin ne connaissent pas les mêmes problématiques que le massif pyrénéen, car ils souffrent essentiellement de désertification.

Des relevés de température disponibles depuis la fin du XIXe siècle, les chercheurs ont déduit que le climat de la région s’est déjà réchauffé d’environ 1,4 °C entre 1959 et 2016, mais que l’essentiel du réchauffement s’est principalement produit depuis les années 1980.

Sans surprise, la question de l’eau devra faire l’objet d’une politique d’adaptation. « La qualité des eaux, déjà dans un état très moyen, subira également des effets notables tels que l’augmentation de la température, la diminution de la dilution ou la libération d’une partie des stocks de polluants des sols et sédiments, avec des impacts sur la biodiversité et la santé publique », souligne le rapport. Et des conséquences économiques importantes liées à l’agriculture. Le rapport préconise par exemple de remplacer la culture du maïs, gourmande en eau, par celle de sorgho, résistant mieux à la sécheresse.

« Ce travail de sensibilisation doit s’effectuer dans les deux sens : vers le public pour qu’il prenne conscience des enjeux, mais aussi pour que nous-mêmes, chercheurs, soyons sensibilisés par ce que nous allons trouver sur le terrain, analyse Hervé Le Treut. Finalement, la communauté scientifique n’est pas saisie sur la question climatique, elle se saisit elle-même, donc nous avons besoin de retours pour savoir ce qui est important pour les personnes concernées. »

Dans ce deuxième rapport, AcclimaTerra s’est également penché sur la notion de démocratie locale en lien avec les enjeux climatiques, en ajoutant un chapitre sur la participation citoyenne. Si la multiplication des espaces de concertation et de participation sur les problématiques environnementales était appréciée au début, les critiques ont souligné l’impuissance ou la sous-utilisation de ces outils. « Pourtant, cette part de débat citoyen est absolument essentielle si nous voulons construire des villes, des régions, des lieux compatibles avec tout ce qui va se passer dans les prochaines années », alerte le climatologue.

Ce rapport rigoureux ne se suffit pas à lui-même. Certains chercheurs participent à une tournée à travers plusieurs villes de Nouvelle-Aquitaine (Bordeaux, Biarritz, Guéret, Agen…) afin de faire connaître leurs conclusions et que les élus et les citoyens s’en saisissent et agissent.

Écologie
Publié dans le dossier
Le climat n’attend plus les États
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