Aux États-Unis, des milliers de scientifiques se mêlent des élections du 6 novembre

Des chercheurs américains se présentent aux midterms, soutiennent des candidats ou font vivre le débat autour des enjeux de la science ou du climat.

Claude-Marie Vadrot  • 26 octobre 2018
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Aux États-Unis, des milliers de scientifiques se mêlent des élections du 6 novembre
photo : marche pour la science à Washington, le 14 avril 2018.
© ANDREW CABALLERO-REYNOLDS / AFP

Peut-être pour la première fois depuis 1925, des scientifiques et des chercheurs américains se mêlent en masse au remue-ménage politique. Cette année-là, ils s’étaient portés très nombreux au secours d’un professeur du secondaire de Dayton dans le Tennessee, John Thomas Scopes, qui avait osé enseigner la théorie de l’évolution de Darwin à ses élèves. Les bien-pensants chrétiens fondamentalistes de l’État et d’ailleurs avaient fustigé son attitude considérée comme blasphématoire ; et la justice le traîna devant un tribunal. Il ne fut que légèrement condamné mais dans la mémoire historique des ultraconservateurs, cette séquence reste comme un symbolique « procès du singe ».

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Ce sont aujourd’hui les mêmes ultraconservateurs dont les républicains cherchent les voix. Une coalition de chrétiens et de sectes protestantes adeptes du créationnisme (42 % des Américains selon un récent sondage). S’y ajoutent la province profonde, les libertariens, les droites extrêmes et les climato-sceptiques : tous ceux qui soutiennent Donald Trump quand il affiche son violent mépris pour les sciences et les médias, proclame son scepticisme envers le dérèglement climatique ou fait licencier ceux qui ne le suivent pas dans sa négation de la recherche scientifique.

Une association de soutien

Quelques mois avant les élections de mi-mandat (midterms) qui se dérouleront le 6 novembre pour renouveler une partie des sénateurs, tous les députés de la Chambre des représentants mais aussi des postes de gouverneur et des exécutifs locaux ou régionaux, des milliers de chercheurs et de scientifiques se sont lancés dans une bataille politique à tous les niveaux. Un mouvement exceptionnel.

Une association à but non lucratif, 314Action, a été créée en 2016 par Shaughnessy Naughton, une chimiste de Philadelphie. Elle a pour objet de « porter la discussion scientifique dans toutes les instances élues et de lutter contre les attaques de Donald Trump envers la science ». Pour expliquer son action, ce groupe rappelle que dans l’actuel Congrès américain siègent un physicien, un chimiste et quelques ingénieurs contre 218 avocats et une dizaine d’anciennes vedettes de la télé ou de la radio.

Une centaine de scientifiques ont tenté de s’imposer lors des primaires qui « choisissent » les candidats pour le Congrès. Malgré les difficultés, une quinzaine de postulants ont réussi à s’imposer comme candidats démocrates, ou se présentent hors parti avec le soutien de 314 Action. C’est notamment le cas en Virginie, dans le New Jersey, au Texas, ou à Chicago où le candidat des scientifique, Sean Casten explique :

L’objectif est de faire élire un nombre significatif de gens qui pensent que les faits scientifiques sont des faits et ne sont donc pas négociables. C’est particulièrement nécessaire en ce qui concerne les changements climatiques qui sont, proprement dit, indéniables.

Chercheurs et scientifiques veulent siéger partout

Mais ces tentatives ne se traduisent pas seulement par une participation aux scrutins nationaux. Des milliers de scientifiques se présentent dans les parlements des États, aux municipales ou simplement en se mêlant systématiquement aux débats sur la science et le climat ou en les provoquant. C’est par exemple le cas en Floride où les candidats, républicains comme démocrates, cherchent à éviter les questions environnementales. Notamment l’envahissement des zones côtières par une algue rouge toxique et tueuse de poissons, l’assèchement du lac Okeechobee qui est en plus envahi par des algues bleues également dangereuses, et les inondations régulières des rues des communes littorales, dont Miami Beach, à chaque grande marée ou lors de grands vents.

Les scientifiques de l’université de Floride, dont Susan MacManus et Andrea Dutton, entretiennent une discussion permanente dans les médias et les réunions publiques d’un État dont le gouverneur sortant, Rick Scott, climato-sceptique notoire, interdisait à ses fonctionnaires d’évoquer la montée du niveau de la mer et le réchauffement climatique. Les scientifiques espèrent que le candidat démocrate, Andrew Gillum, soit élu. Ce qui ferait de lui le premier gouverneur afro-américain de Floride.

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