« Chris the Swiss », de Anja Kofmel : Risque mortel
Dans Chris the Swiss, Anja Kofmel livre le portrait complexe d’un reporter de guerre.
dans l’hebdo N° 1521 Acheter ce numéro
Christian Würtenberg était un reporter de guerre suisse qui, à 26 ans, est parti couvrir la guerre de l’ex-Yougoslavie. Il y a trouvé la mort lors du siège de Vukovar, en Croatie, dans des circonstances troubles, alors qu’il avait revêtu l’uniforme d’un groupe paramilitaire d’extrême droite. Sa cousine de seize ans sa cadette, Anja Kofmel, devenue réalisatrice, a voulu en savoir davantage sur ses derniers jours.
Chris the Swiss est son premier long-métrage. Elle est allée sur place pour récolter des témoignages, en s’aidant des cahiers de notes laissés par son cousin. Elle a retrouvé des sons et des images d’archives où il figure. Elle a aussi recours au cinéma d’animation, sa formation originelle, pour imaginer ce qui reste invisible ou mystérieux, et pour donner une forme à ses propres visions cauchemardesques. En noir et blanc, avec un trait précis dont le graphisme semble avoir hérité des grandes références de l’Europe de l’Est, ces séquences d’animation ouvrent le film à une dimension à la fois plus onirique et inquiétante.
Chris the Swiss permet d’approcher le quotidien des reporters de guerre, ces témoins de l’horreur, dont le sentiment d’impuissance peut les amener à risquer leur vie plus que de raison. Mais l’évolution du regard que porte sur lui la cinéaste est ce qui emporte l’attention. Fascinée par son cousin l’aventurier quand elle était enfant, elle s’est peu à peu délestée de tout jugement, contrairement à la famille du journaliste, qui conçoit envers lui du ressentiment. Baroudeur, tête brûlée, idéaliste, sans doute borderline idéologiquement, dégoûté et habité par la guerre où il s’est brûlé les ailes, tel était Christian Würtenberg, ce personnage complexe vu par Anja Kofmel.