La ville de Saint-Denis s’engage contre les discriminations des LGBT

Une journée réunissant une dizaine d’associations a été organisée au cœur de la ville du 93 (Seine-Saint-Denis). Une première pour une commune de la banlieue parisienne.

Mathieu Pedro  • 21 octobre 2018
Partager :
La ville de Saint-Denis s’engage contre les discriminations des LGBT
© Photos : Mathieu Pedro

Alors que la marche des personnes trans et interserxes et de ceux qui les soutiennent, l’Existrans, connaissait sa vingt-deuxième édition samedi 13 octobre, la ville de Saint-Denis, elle, inaugurait sa première journée de lutte contre les discriminations LGBT+. Sur la place Jean-Jaurès, devant l’hôtel de ville dionysien, un village associatif était monté pour accueillir les citoyens, avec une dizaine de stands d’associations luttant contre les discriminations : Inter-LGBT, Le Refuge, la Ligue des droits de l’Homme, le Mrap (Mouvement contre le racisme et l’amitié entre les peuples, qui a ajouté la lutte contre l’homophobie dans ses statuts cette année) ou des collectifs plus locaux.

« Les gens sont demandeurs »

Le maire Laurent Russier (PCF) a fait un discours. La ville a pavoisé sa mairie d’un drapeau arc-en-ciel pour montrer son engagement. Non loin de là, les sept couleurs symbole se retrouvent également au sol, sur deux passages piétons. Une initiative déjà réalisée à Paris en juin, à l’occasion de la Quinzaine des fiertés. Une forme de continuité, qui va dans le bon sens : « Faut arrêter de penser que la vie LGBT c’est Paris intra muros. La vie LGBT c’est partout ! déclare Didier, militant de SOS Homophobie. C’est un problème de la région parisienne : tout est concentré à Paris. Si on va en région, on voit qu’on a des bénévoles partout. J’habite à Aulnay-sous-Bois, et je sais que les gens sont demandeurs de ce genre d’événement. Les nouvelles générations de bénévoles veulent qu’on aille en dehors du périphérique. » Didier concède cependant que « venir et avoir un vrai stand SOS Homophobie en Seine-Saint-Denis, c’est la première fois ». Et de conclure : « On espère que d’autres villes de banlieue puissent se dire qu’elles peuvent accueillir des mouvements LGBT. »

En 2018, Saint-Denis est la première ville du département de Seine-Saint-Denis, mais aussi d’île-de-France (hors Paris), à organiser une journée de lutte contre les discriminations LGBT de cette envergure. Alain Bonnineau, représentant de Aides (association de lutte contre les maladies sexuellement transmissibles), dont le stand propose de l’information et un dépistage du VIH, l’admet : « L’idée c’est aussi de rencontrer d’autres associations, parce qu’il y en a qui n’ont jamais traversé le périph’. La banlieue, on vient jamais la voir, lui expliquer les choses. »

Le sujet est pourtant d’une importance cruciale pour le second département le plus touché d’Île-de-France (et sûrement de France) après Paris, selon l’agence régionale de la santé. « Ça veut dire qu’il faudrait peut-être plus de possibilités pour se dépister et s’informer », constate Alain Bonnineau. « Beaucoup de gens continuent de vivre sans avoir accès aux moyens de prévention. Et une fois contaminé, on s’isole. C’est l’exclusion, et l’exclusion est le lit de la contamination. »

© Politis

Un espoir de convergence des luttes

Madjid Messaoudene, conseiller municipal délégué en charge de la lutte contre les discriminations, va dans le même sens : « Les questions d’homosexualité et d’homophobie ne sont quasiment jamais abordées. » C’est ici que réside le « problème » pour l’élu local. Ce qui lui permet d’affirmer que l’un des messages de la journée est aussi « de dire qu’il n’y a pas plus d’homophobes à Saint-Denis qu’ailleurs. Il n’y a pas d’élevage d’homophobes dans les quartiers de Saint-Denis, contrairement à des quartiers de Versailles, Le Chesnay et certains arrondissement de Paris où il y a organisation et idéologie structurée », dénonce-t-il.

Autre thème abordé : la convergence des luttes. « Il n’y a pas de hiérarchisation entre les luttes. La lutte contre la xénophobie n’est pas plus importante que celle contre l’homophobie », explique l’élu, qui a réservé la salle du conseil municipal pour la tenue d’un débat clôturant la journée, intitulé « Quelle convergence avec la lutte antiraciste ? », animé par Rokhaya Diallo et parrainé par l’humoriste transexuel Océan. « Beaucoup des associations qui vont venir font déjà ce lien au quotidien. On est capables de faire des liens », espère Madjid Messaoudene.

Un « travail » loin d’être terminé

Concluant une journée porteuse d’espoir, le « débat » prendra la forme d’un séminaire où plus d’une quinzaine de représentants d’associations et personnalités (dont Océan et Jérôme Martin, un enseignant ancien membre d’Act-up Paris et adhérent au CCIF) exposeront leur vision des luttes contre les discriminations. « L’antiracisme politique n’était pas forcément assez représenté », constate Madjid Messaoudene à la fin de l’événement. « C’est normal que des gens qui estiment qu’on parle à leur place prennent la parole. C’est sain pour le débat politique. On a crevé l’abcès. » En mai 2019, Saint-Denis devrait organiser sa première marche des fiertés.

Société
Temps de lecture : 4 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

Violences intrafamiliales : comment les expertises psy protègent les agresseurs
Justice 19 février 2025 abonné·es

Violences intrafamiliales : comment les expertises psy protègent les agresseurs

Demandés par les juges en matière de violences conjugales, ces documents sont pourtant contestés pour leur absence de méthode scientifique et leurs biais sexistes. Ils pénalisent très souvent la mère et/ou l’enfant, même lorsque des violences sont dénoncées.
Par Hugo Boursier
Rétention administrative : la gauche cherche sa voie
Politique 19 février 2025 abonné·es

Rétention administrative : la gauche cherche sa voie

Alors que la droite préempte le débat public avec un discours très répressif, quelques élus de gauche tentent d’exister sur ce sujet. Mais les réponses humanistes peinent à émerger.
Par Lucas Sarafian
« Qu’est-ce que cet acharnement à vouloir expulser des gens à tout prix ? »
Entretien 19 février 2025 abonné·es

« Qu’est-ce que cet acharnement à vouloir expulser des gens à tout prix ? »

Il y a cinquante ans, Sixte Ugolini, avocat à Marseille et président local du Syndicat des avocats de France, dénonçait l’existence d’une prison clandestine où étaient enfermés les étrangers avant leur expulsion. Ce scandale donna lieu à la création des centres de rétention administrative.
Par Pauline Migevant
Agression néonazie à Paris : un rassemblement pour exprimer la colère et organiser la lutte
Mobilisation 18 février 2025 abonné·es

Agression néonazie à Paris : un rassemblement pour exprimer la colère et organiser la lutte

Après l’attaque de militants de l’organisation Young Struggle par une vingtaine de militants d’extrême droite dimanche soir, un millier de personnes s’est réuni le 17 février dans le 10e arrondissement parisien, pour témoigner sa solidarité et appeler à une réaction.
Par Pauline Migevant