La ville de Saint-Denis s’engage contre les discriminations des LGBT
Une journée réunissant une dizaine d’associations a été organisée au cœur de la ville du 93 (Seine-Saint-Denis). Une première pour une commune de la banlieue parisienne.
Alors que la marche des personnes trans et interserxes et de ceux qui les soutiennent, l’Existrans, connaissait sa vingt-deuxième édition samedi 13 octobre, la ville de Saint-Denis, elle, inaugurait sa première journée de lutte contre les discriminations LGBT+. Sur la place Jean-Jaurès, devant l’hôtel de ville dionysien, un village associatif était monté pour accueillir les citoyens, avec une dizaine de stands d’associations luttant contre les discriminations : Inter-LGBT, Le Refuge, la Ligue des droits de l’Homme, le Mrap (Mouvement contre le racisme et l’amitié entre les peuples, qui a ajouté la lutte contre l’homophobie dans ses statuts cette année) ou des collectifs plus locaux.
« Les gens sont demandeurs »
Le maire Laurent Russier (PCF) a fait un discours. La ville a pavoisé sa mairie d’un drapeau arc-en-ciel pour montrer son engagement. Non loin de là, les sept couleurs symbole se retrouvent également au sol, sur deux passages piétons. Une initiative déjà réalisée à Paris en juin, à l’occasion de la Quinzaine des fiertés. Une forme de continuité, qui va dans le bon sens : « Faut arrêter de penser que la vie LGBT c’est Paris intra muros. La vie LGBT c’est partout ! déclare Didier, militant de SOS Homophobie. C’est un problème de la région parisienne : tout est concentré à Paris. Si on va en région, on voit qu’on a des bénévoles partout. J’habite à Aulnay-sous-Bois, et je sais que les gens sont demandeurs de ce genre d’événement. Les nouvelles générations de bénévoles veulent qu’on aille en dehors du périphérique. » Didier concède cependant que « venir et avoir un vrai stand SOS Homophobie en Seine-Saint-Denis, c’est la première fois ». Et de conclure : « On espère que d’autres villes de banlieue puissent se dire qu’elles peuvent accueillir des mouvements LGBT. »
En 2018, Saint-Denis est la première ville du département de Seine-Saint-Denis, mais aussi d’île-de-France (hors Paris), à organiser une journée de lutte contre les discriminations LGBT de cette envergure. Alain Bonnineau, représentant de Aides (association de lutte contre les maladies sexuellement transmissibles), dont le stand propose de l’information et un dépistage du VIH, l’admet : « L’idée c’est aussi de rencontrer d’autres associations, parce qu’il y en a qui n’ont jamais traversé le périph’. La banlieue, on vient jamais la voir, lui expliquer les choses. »
Le sujet est pourtant d’une importance cruciale pour le second département le plus touché d’Île-de-France (et sûrement de France) après Paris, selon l’agence régionale de la santé. « Ça veut dire qu’il faudrait peut-être plus de possibilités pour se dépister et s’informer », constate Alain Bonnineau. « Beaucoup de gens continuent de vivre sans avoir accès aux moyens de prévention. Et une fois contaminé, on s’isole. C’est l’exclusion, et l’exclusion est le lit de la contamination. »
Un espoir de convergence des luttes
Madjid Messaoudene, conseiller municipal délégué en charge de la lutte contre les discriminations, va dans le même sens : « Les questions d’homosexualité et d’homophobie ne sont quasiment jamais abordées. » C’est ici que réside le « problème » pour l’élu local. Ce qui lui permet d’affirmer que l’un des messages de la journée est aussi « de dire qu’il n’y a pas plus d’homophobes à Saint-Denis qu’ailleurs. Il n’y a pas d’élevage d’homophobes dans les quartiers de Saint-Denis, contrairement à des quartiers de Versailles, Le Chesnay et certains arrondissement de Paris où il y a organisation et idéologie structurée », dénonce-t-il.
Autre thème abordé : la convergence des luttes. « Il n’y a pas de hiérarchisation entre les luttes. La lutte contre la xénophobie n’est pas plus importante que celle contre l’homophobie », explique l’élu, qui a réservé la salle du conseil municipal pour la tenue d’un débat clôturant la journée, intitulé « Quelle convergence avec la lutte antiraciste ? », animé par Rokhaya Diallo et parrainé par l’humoriste transexuel Océan. « Beaucoup des associations qui vont venir font déjà ce lien au quotidien. On est capables de faire des liens », espère Madjid Messaoudene.
Un « travail » loin d’être terminé
Concluant une journée porteuse d’espoir, le « débat » prendra la forme d’un séminaire où plus d’une quinzaine de représentants d’associations et personnalités (dont Océan et Jérôme Martin, un enseignant ancien membre d’Act-up Paris et adhérent au CCIF) exposeront leur vision des luttes contre les discriminations. « L’antiracisme politique n’était pas forcément assez représenté », constate Madjid Messaoudene à la fin de l’événement. « C’est normal que des gens qui estiment qu’on parle à leur place prennent la parole. C’est sain pour le débat politique. On a crevé l’abcès. » En mai 2019, Saint-Denis devrait organiser sa première marche des fiertés.
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