L’Inra mange son chapeau bio
Une étude sur l’alimentation et les cancers, fruit de sept années d’observation d’un large échantillon de la population, montre que pour éviter certains cancers il est préférable de manger bio.
Le rapport sur l’influence d’une consommation importante d’alimentation bio sur l’occurrence des cancers est passionnant car il vient à l’appui de ce qu’expliquent depuis des années les écologistes et de nombreux nutritionnistes. Mais il est permis de faire deux remarques sur cette étude réalisée conjointement par l’Inra (Institut national pour la recherche agronomique) et l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale).
D’abord on peut se demander pourquoi il a été publié dans une revue spécialisée américaine (1) et non en France, pays où les produits garantis sans pesticides font l’objet de contestations permanente par la FNSEA (Fédération nationale des exploitants agricoles) et les producteurs de produits chimiques destinés à la pratique agricole. Ensuite, on ne peut que se féliciter de cette (bien tardive) prise de conscience de l’Inra dont des spécialistes se sont efforcés pendant des années de conforter les affirmations de partisans de l’agriculture intensive. Ceux qui expliquent, par exemple, qu’il leur est impossible de se passer d’un désherbant comme le glyphosate, alors que les 40 000 agriculteurs bio recensés en France en 2018 prouvent chaque jour le contraire.
Une étude rigoureuse
Cette étude se révèle incontestable puisqu’elle a porté sur l’observation épidémiologique d’un échantillon de 68 946 personnes dont les pratiques alimentaires et la santé ont été soigneusement étudiées pendant sept ans de façon à éliminer tous les biais possibles. Qu’ils soient liés à leurs antécédents médicaux où à leur environnement socio-économique ou leur niveau de revenu. De plus les constatations portent essentiellement sur les consommateurs réguliers de produits alimentaires sans pesticides et elles ont été comparées aux destins médicaux de ceux qui n’en consomment que de façon occasionnelle ou bien n’ont jamais recours à ce type d’alimentation.
La première leçon tirée par les chercheurs de l’Inra et de l’Inserm n’est pas seulement un indice mais une certitude statistique. En effet, chez les adeptes du bio il n’a été enregistré et validé, au cours de l’étude, qu’une occurrence de 1 340 nouveaux cancers, toutes formes confondues. Ce qui représente une diminution de 25 % par rapport à une population livrée à l’alimentation issue de l’agriculture intensive. Le chiffre est d’autant plus énorme qu’en ce qui concerne le cancer du sein chez les femmes ménopausées, la diminution enregistrée est de 34 % ; elle monte à 76 % pour les lymphomes, un cancer qui s’attaque au système lymphatique des hommes comme des femmes.
Des conclusions confortées par la recrudescence constatée des cancers de la prostate et des différentes affections dont sont victimes les agriculteurs qui manipulent et épandent en permanence tous ces intrants chimiques dont de faibles doses se retrouvent dans une partie de notre alimentation non bio. Il semble que cette résistance des consommateurs réguliers de bio aux cancers (et à d’autres affections) est liée à la présence de résidus de pesticides synthétiques dans les « produits ordinaires » ; mais aussi à des teneurs en antioxydants, de polyphénols ou de vitamines C dans les fruits et légumes bio comme dans les préparations faites avec des produits bénéficiant du label bio. Remarque qui valide notamment le caractère « plus nourrissant » des fruits et légumes issus de l’agriculture biologique.
Le bio ne guérit pas, il protège
Cette étude, une des premières de ce type, ne prétend pas que le bio peut guérir ou éviter les cancers mais les auteurs signalent que le recours plus systématique à une alimentation bio et exempte de résidus chimiques pourrait être une « prometteuse stratégie de prévention de nombreux cancers ». Même si chaque Français est également exposé à d’autres produits cancérigènes dans la vie quotidienne. D’ailleurs une étude publiée le même jour par _l’UFC-Que Choisir rappelle qu’un quart des additifs alimentaires autorisés par l’Union européenne devrait être interdits en raison des risques de cancer qu’ils induisent.
(1) JAMA International Medecine publié par l’Université du Colorado accessible en anglais sur le site du même nom
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