Royaume-Uni : exit pour les politiques
La grande manifestation du 20 octobre est un puissant rappel à l’ordre démocratique. Un épisode plutôt rare aujourd’hui dans une Europe infestée par les nationalismes et populismes de droite et d’extrême droite.
dans l’hebdo N° 1525 Acheter ce numéro
Les citoyens britanniques auront-ils leur mot à dire sur l’éventuel accord fixant les modalités de la séparation, accord toujours en carafe entre le gouvernement de Theresa May et l’Union européenne (UE) ? À l’appel du mouvement « People’s Vote » (Le vote du peuple), qui réunit de nombreuses associations europhiles, des centaines de milliers de manifestants se sont mobilisés – ils étaient 700 000 le 20 octobre dans les rues de Londres – pour exiger de pouvoir donner leur avis sur l’accord avec l’UE et, in fine, reprendre leur destin en main, pour cette étape qui sera un tournant majeur pour l’avenir du Royaume-Uni.
Sans remettre en cause le résultat du référendum qui a vu en juin 2016 les partisans de la sortie de l’UE l’emporter (par 51,89 %), on peut en effet voir dans cette mobilisation massive – la plus importante depuis l’immense manifestation en 2003 d’un million de personnes contre la participation britannique à la guerre en Irak voulue par Tony Blair – une volonté profonde de se réapproprier le destin du pays, en reprenant la main sur la mise en œuvre du Brexit, qui, de fait, est accaparée par la classe politique, en particulier par le camp conservateur au pouvoir. Car le débat est profondément gangrené par les divisions des tories. Bien qu’elle se soit prononcée contre le Brexit, c’est la Première ministre, Theresa May, qui est chargée de le négocier, tandis qu’elle subit la fronde tonitruante de son rival Boris Johnson, qui avait pris la tête des Brexiters dans la campagne référendaire. Dans l’opposition travailliste, la situation n’est guère plus simple, la majorité des députés étant beaucoup plus europhile que le leader du parti, Jeremy Corbyn.
La grande manifestation du 20 octobre est un puissant rappel à l’ordre démocratique. Un épisode plutôt rare aujourd’hui dans une Europe infestée par les nationalismes et populismes de droite et d’extrême droite. Sadiq Khan, le maire travailliste de Londres, a résumé le sens de cette mobilisation massive dans un appel publié dans Le Monde du 21 octobre : « Le peuple britannique doit avoir en dernière instance son mot à dire sur le Brexit. Ce qui signifie un vote public sur tout accord final conclu par le gouvernement, ou sur un Brexit sans accord au cas où les négociations avec Bruxelles échoueraient, avec comme alternative l’option de rester au sein de l’Union européenne. »