« Touch me not », de Adina Pintilie : À cœurs et sexes ouverts

Enquête psychosexuelle sans tabou sur l’intimité de trois personnes, Touch me not fait monter le malaise.

Ingrid Merckx  • 30 octobre 2018 abonné·es
« Touch me not », de Adina Pintilie : À cœurs et sexes ouverts
© photo : Laura Benson

T ouch me not a reçu l’Ours d’or à Berlin et le Prix du meilleur premier film : les plus hautes distinctions dans la foulée du mouvement #MeToo pour saluer l’œuvre de la Roumaine Adina Pintilie sur l’intimité d’une femme.

Laura, la cinquantaine, se confie à la réalisatrice, qui apparaît dans le petit écran d’une caméra sur pied. Ce face-à-face exsude l’exercice formel. Plans fixes, vêtements noirs pour Laura, qui campe dans un intérieur aussi immaculé que son corps intouchable. Blouses blanches dans pièces laiteuses et couloirs vitreux pour les deux hommes qui arrivent en complément d’enquête : Tomas, bel infirmier au crâne lisse de cancéreux, et Christian, le patient au corps difforme mais au cerveau et au sexe en parfait état de marche. Adina Pintilie les cuisine autour d’un récurrent « Et là, qu’est-ce que tu ressens ? », qui fait culminer l’intime sur le versant de l’émotionnel plus encore que du sexuel.

Regard bienveillant et radicalité face aux tabous, Touch me not n’en est pas moins un film très dérangeant. Pourquoi cette permanence du climat clinique tendance pathologique ? Ces allées et venues entre coach personnel et prostitution trans à domicile ? Pourquoi glisser entre les séances de « soins » au néon des scènes de l’ombre sadomaso ?

Montrer l’intime en touchant tous les registres du bizarre et les présupposés de rejet jusqu’aux points de malaise confine au voyeurisme : Tomas doit dire son dégoût pour la salive de Christian qui goutte, Laura est prise de cris et de nausée et expurge son trauma en direct, la réalisatrice raconte ce rêve où sa mère arrive dans sa chambre la nuit, nue et apeurée… Cette psychanalyse de groupe à cœurs et sexes ouverts, façon installation d’art contemporain, laisse des traces bien vides.

Touch me not, Adina Pintilie, 2 h 05.

Cinéma
Temps de lecture : 2 minutes