Dengue : « C’est quasi impossible de se protéger du moustique »
Enseignante-chercheuse à La Réunion, Nathalie Becker a contracté la dengue, de même que son mari et leur fils. Elle témoigne.
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Elle était assise sur la terrasse. « Il y avait trois ou quatre moustiques sur moi. Je me suis dit : soit c’est fait, soit je passe au travers. » Nathalie Becker a déclenché une dengue quelques jours plus tard. Puis ç’a été le tour de son mari et de leur fils de 15 ans. « Heureusement, on était en décalé. » Toute leur rue du quartier d’Étang-Salé a été malade en avril. Aux premiers symptômes de fièvre, son compagnon, chirurgien, leur a prescrit une prise de sang. Le laboratoire ayant confirmé le diagnostic, ils se sont déclarés chez un généraliste et sont rentrés se coucher. « J’ai été à plat pendant une semaine. Des poussées de fièvre violentes avec des retours à la normale puis de nouvelles poussées. Mon fils a eu des plaques sur le corps. On a pris du paracétamol. Quand la fièvre tombe, reste une grosse fatigue. Et le foie est affecté. Il nous a fallu une deuxième semaine pour nous remettre. »
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Dans la famille, ils essaient de « faire attention » : « Quand on voit des moustiques, on les écrase. » Il n’y a pas de plantes dans la maison, mais celle-ci donne sur un jardin à 200 mètres de l’étang. « C’est quasi impossible de se protéger du moustique. » On peut éviter les écuelles d’eau, couper l’herbe, porter des manches longues… « Mais il y a toujours un lobe d’oreille qui dépasse ! » Les moustiques entrent dans les maisons, « mais on se fait plutôt piquer dehors ».
Nathalie Becker ne se badigeonne pas de répulsifs. « J’en ai encore plus peur que de la dengue ! » Représentante du Muséum d’histoire naturelle à La Réunion, elle a travaillé pendant dix ans avec Barbara Demeneix, cette biologiste qui a lancé l’alerte sur les dommages causés par les perturbateurs endocriniens sur le cerveau. Enseignante-chercheuse en physiologie moléculaire, Nathalie Becker avoue méconnaître les effets du réchauffement sur le développement du moustique aedes à La Réunion. L’augmentation des transports et la dégradation des habitats lui semblent intervenir plus directement dans la propagation que la hausse des températures, moins remarquable en zone tropicale.
Quand l’épidémie a démarré, leur fille aînée préparait le concours de médecine. Elle habite plus en altitude, au Tampon, endroit de l’île où il y a moins de moustiques. Elle s’est protégée, n’a pas eu la dengue et a remporté son concours. Leur fils a été le seul de sa classe à contracter le virus. L’épisode les a épuisés mais pas paniqués : « Ici, où l’on vit plus près de la nature, c’est un peu comme une fatalité. » Quand ils étaient malades, leur famille venue de métropole n’a pas dormi chez eux.
« Nous sommes arrivés à La Réunion fin 2005, en pleine crise du chik. Tout le monde s’est mis à travailler sur le sujet : la gestion par les hôpitaux, le manque de communication, pourquoi le moustique inoffensif est devenu vecteur d’une maladie. Les malades contaminaient leur famille. J’ai côtoyé des médecins et des entomologistes, mais, sur la dengue, je manque encore de données. » Pas d’études d’impact sur l’usage massif d’insecticides. « Le remède ne serait-il pas pire que le mal ? » Où en sont les études montrant si des quartiers de l’île seraient plus touchés ou mieux traités que d’autres ? « Ce qui est certain, c’est que, pour les privilégiés, c’est moins difficile d’être diagnostiqué et de se soigner. Tout le monde ne sait pas qu’il ne faut pas prendre d’aspirine, par exemple. »
Nathalie Becker en a parlé avec ses étudiants réunionnais : pour l’heure, la dengue ne fait pas plus peur que la grippe. Elle sait bien pourtant qu’ayant déjà contracté un des sérotypes, si elle attrape maintenant un des trois autres, elle sera plus vulnérable.