Génération Sanders
Des femmes, des jeunes, des représentants des minorités, et de l’espoir entrent au Congrès.
En apparence, rien de très surprenant dans ces élections du mi-mandat aux États-Unis. Comme prévu, les démocrates prennent la majorité à la Chambre des représentants, et les républicains conservent le Sénat. Trump, qui est toujours prêt à affirmer que la Terre est plate, voit dans cette défaite, certes limitée, une « immense victoire ». Business as usual…
Les chiffres des midterms
Au cours des élections de mi-mandat du 6 novembre, les démocrates ont ravi une trentaine de sièges et devraient obtenir 229 sièges contre 206 républicains, selon les dernières estimations du New York Times. Au Sénat, la majorité républicaine devrait passer de 51 à 53 sièges, sur 100. Mais tous les résultats n'étaient pas proclamés mercredi matin.
Les démocrates ont aussi gagné sept postes de gouverneurs, mais ont échoué en Floride, grand État qui sera au centre de l'élection présidentielle de 2020 et que les démocrates croyaient mûrs pour la reconquête.
La participation a été très forte pour des élections de mi-mandat : elle est estimée à environ 47 % contre 37 % en 2014 par l'expert Michael McDonald. (AFP)
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Elle est loin d’être la seule. Le Massachusetts a élu une femme noire de 44 ans, Ayanna Pressley, elle aussi très à gauche, qui avait déjà envoyé à la retraite, lors des primaires, un vieux cacique du parti démocrate, Michael Capuano. Il faut encore citer deux candidates démocrates du Minnesota et du Michigan, qui seront les premières femmes musulmanes au Congrès. Et deux Amérindiennes, victorieuses au Kansas et au Nouveau-Mexique. Ou encore l’Américano-Palestinienne Rashida Tlaib, dans le Michigan. Liste non exhaustive.
Un nouveau paysage politique
Des femmes, des jeunes, des militants de gauche authentiques, des représentants des minorités ethniques ou sexuelles, voilà qui dessine un nouveau paysage politique plutôt rafraîchissant dans un pays qui vit dans un climat de violence et de haine entretenu à l’envi par Donald Trump. Mais à contempler ce tableau, on peut se demander si la principale victime de ce scrutin n’est pas (encore) Hillary Clinton ou, à tout le moins, sa génération de démocrates proches des milieux d’affaires.
Si ces résultats sont porteurs de promesses pour l’avenir, ils ne devraient toutefois pas bouleverser le pays dans l’immédiat. Comme la plupart de ses prédécesseurs à mi-mandat, Donald Trump risque d’être entravé par une inconfortable cohabitation avec une Chambre des représentants hostile, incarnée par la démocrate Nancy Pelosi qui a déjà promis « un nouvel équilibre des pouvoirs ». Une expression qui n’appartient pas au vocabulaire de Trump.
Le Président a surtout à craindre l’accélération des enquêtes le concernant sur ses déclarations d’impôts et les ingérences russes dans la campagne de 2016. Mais il a tout de même réussi à limiter les dégâts en imposant deux thèmes de campagne qui lui étaient favorables : l’immigration et l’économie. L’instrumentalisation des peurs xénophobes et le discours ultra-protectionniste ont fonctionné dans une grande partie de l’électorat conservateur. Même si les bons chiffres du chômage sont en partie illusoires en regard de la précarisation du travail, et alors que l’effet boomerang des taxations, notamment des produits chinois, n’est pas encore sensible.
Mais Trump peut aussi se féliciter de n’avoir pas vu émerger de rival potentiel pour 2020. Sauf peut-être le démocrate texan Beto O’Rourke, battu de justesse dans son État très conservateur et très « pétrolier » du Sud. De l’avis de tous les observateurs, il a mené une campagne de qualité sur des thèmes difficiles tels que la naturalisation de millions de sans-papiers et l’assurance santé universelle. Il a même milité pour la restriction des ventes d’armes. Au Texas, il faut oser !
Finalement, le principal vainqueur de ces élections de mi-mandat est peut-être un homme de 77 ans, réélu discrètement sénateur du Vermont : Bernie Sanders. Il n’est plus tout jeune, mais il fait école.
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