Gilets jaunes : Les insoumis en appui

Mélenchon dispute à l’extrême droite le soutien aux gilets jaunes. Les autres partis de gauche hésitent. Au cœur du dilemme : la place de l’écologie.

Agathe Mercante  • 21 novembre 2018 abonné·es
Gilets jaunes : Les insoumis en appui
© photo : NICOLAS TUCAT/AFP

Plus de 280 000 personnes, des blocages qui se poursuivaient encore mardi… Par son ampleur et sa pugnacité, le mouvement populaire des gilets jaunes a de quoi faire pâlir d’envie les syndicats et partis politiques, bien en peine, en 2018, de mobiliser autant de forces. Polymorphe, multipliant les revendications, le mouvement prend un tour tragique quand les très nombreux blessés et le décès d’une manifestante dès le samedi 17 novembre au matin n’arrêtent pas les autres. Frénétique, aussi, quand on sait qu’un acte II est prévu le 24 novembre. « Bien sûr, le 24 novembre avec les gilets jaunes. Pour le pouvoir d’achat, contre le budget pour les riches, pour l’écologie populaire », a tweeté Jean-Luc Mélenchon dimanche. À gauche, La France insoumise est la seule formation politique à afficher un soutien sans faille au mouvement, là où tous les autres affirment néanmoins le « comprendre ». À l’extrême droite en revanche, tous se sont engouffrés : Louis Aliot, Marine Le Pen, Florian Philippot, Nicolas Dupont-Aignan… « La France insoumise, qui dispute à l’extrême droite aujourd’hui dominante la représentation politique du “peuple-populaire”, s’est directement liée au mouvement dans le plus total respect de ses caractéristiques d’autonomie et d’auto-direction », défendait, le 19 novembre, le leader des insoumis sur son blog. Un appui revendiqué en opposition au mépris affiché par la macronie. En écho à l’expression du président de la République, qui avouait avoir été incapable de « réconcilier la base et le sommet ». « Ce sont toujours les mêmes qui sont obligés de faire des efforts, constate Corinne Morel Darleux, conseillère régionale Auvergne-Rhône-Alpes, et membre du Parti de gauche, je ne peux pas m’empêcher de penser à Emmanuel Macron qui faisait du jet-ski cet été dans une réserve naturelle. »

Mais affirmer comprendre les gilets jaunes ne suffit pas, ne suffit plus. Pour les partis politiques de gauche, il convient avant tout d’y donner un sens, d’y apporter des réponses politiques… ou de s’en détacher. « On ne peut pas mentir aux gens », explique David Cormand. « Le carbone a un coût, et si nous étions aux affaires, nous ne taxerions pas que le diesel et l’essence, mais le fioul lourd des porte-containers et des paquebots, le kérosène des avions, les carburants des riches », détaille le secrétaire national d’Europe Écologie-Les Verts. Et de dénoncer sans répit l’hypocrisie gouvernementale. Lundi, il a épinglé le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, qui déclarait sur BFMTV : « Il faut se désintoxiquer de la France du tout-pétrole. » « Vous construisez de nouvelles autoroutes à Strasbourg, Rouen ou Toulouse-Castres ; vous autorisez Total à chercher du pétrole au large de la Guyane ; vous menez une réforme de la SNCF qui conduit à la fermeture de lignes de chemin de fer… », a tweeté le leader écolo. S’ils ont raison de souligner que la hausse des taxes sur les carburants n’a d’écologique que le nom, les politiques de gauche, en soutenant, ou en assumant de « comprendre la colère des gilets jaunes », s’aventurent sur une pente glissante. Car ce mouvement tourne-t-il encore autour de l’écologie ? « Ce que je dénonce, c’est le faux argument avancé par le gouvernement qui prétend vouloir protéger l’environnement en taxant les automobilistes », plaide pourtant Priscillia Ludovsky, créatrice de la pétition « Pour une baisse du carburant à la pompe », qui frôle le million de signataires, dans une interview à Regards. Interrogés ce week-end, les gilets jaunes citent souvent pêle-mêle la suppression de l’impôt sur les grandes fortunes, la hausse de la CSG, la réforme des retraites… Autant de motivations bien éloignées de l’écologie.

La colère contre le libéralisme gouvernemental n’excuse pas tout. Et les agressions homophobes, islamophobes ou racistes, dont plusieurs automobilistes affirment avoir été victimes durant les blocages ce week-end mettent en lumière la multiplicité des colères populaires. Et leur incompréhensible ligne politique. « En focalisant la lutte contre la hausse des taxes, les gilets jaunes adoptent des revendications de droite », analyse Corinne Morel Darleux. « À force de dire qu’il faut entendre, comprendre cette colère sans la mettre en perspective, on finit par donner du crédit à un mouvement très protéiforme qui aujourd’hui n’est ni de gauche ni écologiste », prévient-elle. Les partis politiques de gauche devraient peut-être s’en inquiéter…

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