Mastre maire de Marseille
L’effondrement de deux immeubles insalubres dans le centre-ville de Marseille serait un fait divers si les morts n’étaient pas évitables.
dans l’hebdo N° 1527 Acheter ce numéro
Elles et ils étaient esquichés (1) dans des cafoutchis (2) cafis (3), y’a plus degun (4). L’effondrement de deux immeubles insalubres dans le centre-ville de Marseille, lundi 5 novembre serait un fait divers si les morts sous le moulon (5) de gravas n’étaient pas évitables. Or ils l’étaient, si les recommandations les plus sérieuses de travaux et de mise aux normes avaient été suivies par la municipalité, comme dans d’autres grandes villes. Il y aurait, selon une expertise rendue en 2015, 100 000 Marseillais (40 000 logements) menacés du même funeste sort. Il y a fort à parier que le danger ait grandi depuis.
Se disant « effondré » – la cagade (6) ! –, le premier édile Jean-Claude Gaudin ne veut pas prendre la mesure de sa propre responsabilité et ne passe pas pour le premier des trons de l’air (7). Certes, il n’est jamais bon de chercher un bouc émissaire, et d’autres institutions ont sans doute contribué à ce désastre, qui voit des pans entiers de la cité phocéenne abandonnés, jusqu’à l’effondrement… bref, jusqu’à l’aubaine pour des promoteurs à l’agachon (8) qui viendront racheter les surfaces comme on rachète des terres brûlées après les incendies.
Mais le maire – depuis vingt-trois ans – ne peut s’en sortir à bon compte. En prétextant la météo récente comme cause de glissements de terrain, il prend les citoyennes et citoyens de Marseille pour des bestiasses (9), ni plus ni moins. Gansaillés (10) depuis la catastrophe, ils ne vont pas se laisser faire, et il y a fort à parier que les collectifs d’habitants persévéreront par voie de justice pour établir l’ordre des responsabilités. Mais aussi pour reprendre le contrôle sur les choix d’aménagement de la ville, trop souvent binaires : l’abandon des riverains à eux-mêmes, comme dans la rue d’Aubagne, ou l’expulsion plus ou moins brutale, comme à la Plaine, où une ZAD a fleuri.
Car c’est absolument de démocratie qu’il s’agit, une authentique demande de souveraineté populaire face au cynisme, au déni et à la désinvolture. Est-ce que le malheur de la rue d’Aubagne va servir la dynamique citoyenne, qui fourmille d’initiatives pour imposer un dialogue réel, sérieux et continu entre élus et habitants ? La question est aussi importante que la réhabilitation elle-même. Quant à Jean-Claude Gaudin – sauf à vouloir être, pour la postérité, un mastre (11) indigne –, il lui reste peut-être l’honneur de la démocratie : reconnaître sa part des morts, et s’escamper (12) dignement.
(1) Entassés (2) Cagibis (3) Pleins, remplis (4) Plus personne (5) Tas (6) Gaffe (7) Énergique (8) À l’affût (9) Personne stupide (10) Sonnés (11) Pauvre type (12) Partir.
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